Voir jouer Novak Djokovic me réconcilie avec le tennis. Il est grand, le visage anguleux, mais sur le court, il est toujours élégant et son tennis est élégant.
Son élégance contraste avec le jeu de quelques cogneurs, dont l’arme suprême est la puissance de leur service, qui dénature le tennis comme les percussions ont dénaturé le rugby, dont la principale caractéristique, l’évitement, a été oubliée.
Novak Djokovic, lui, ne frappe pas aussi fort que les colosses, mais ses coups de raquette sont pensés, calculés, mais avec une rare aisance. Il maîtrise la balle et il anticipe ses coups en s’adaptant à ses adversaires. Il est capable de délivrer quelques contre-pieds merveilleux.
Avec Djokovic, on retrouve ceux qui ont marqué le tennis, jeu d’intelligence, c’est-à-dire les Lendl, Sampras, Connors, etc. Ceux qui, à l’époque, m’enthousiasmaient et me faisaient rêver.
Avec Djokovic, le tennis est resté un jeu (il lui arrive de sourire sur le court, contrairement à Rafael Nadal) ; il n’est pas devenu la corvée de ceux dont la jouissance absolue est de lire sur le panneau d’affichage (on se demande pourquoi il est là !) que leur service a dépassé les 200 km/h et cloué l’adversaire sur place.
Le tennis avait déjà été dénaturé en établissant un classement des joueurs (et des joueuses) en fonction de leurs gains ; aujourd’hui, il dresse un inventaire précis des services les plus puissants.
Le retour de Novak Djokovic me remplit de joie, dans un monde de brutes et de forçats du sport et de calculateurs en dollars. Il n’est pas encore revenu à son meilleur niveau, certes, mais il nous réconcilie avec le jeu et l’intelligence du corps.