Ceux qu’on appelle la gauche sont-ils encore vivants ? Savent-ils dans quel monde on vit aujourd’hui ? Les deux questions me taraudent l’esprit à la lecture des quotidiens et à l’écoute des médias audiovisuels.
Avec la proximité des élections européennes vers lesquels ils sont tous tournés, on pouvait espérer assister à un regroupement de toutes ces chapelles qui vont de ce qui reste du Parti socialiste après les scissions de Hamon et, aujourd’hui même de Maurel, des écologistes d’EELV derrière Jadot, des militants du Parti communiste (il en reste encore ; ils l’ont prouvé à la Fête de l’Humanité), et des sympathisants de la France insoumise (mais pas Mélenchon le suffisant), des copains de Besancenot pour, enfin, présenter un front commun et une liste commune.
Et voir plus loin pour faire échec au macronisme, vite, avant que l’Attila des droits élémentaires n’ait tout dévasté sur son passage.
Eh ! Non. Chacun se prépare à compter ses voix, celle d’une peuple de gauche, déboussolé mais en attente d’un signe pour se mobiliser comme il sait le faire quand « sa » gauche est unie, combative et porteuse d’espoir en des jours meilleurs.
Le peuple de gauche est mis à l’écart des stratégies notamment de la France dite insoumise qui entend imposer ses choix à tous les autres ; alors il restera chez lui à regarder sa télévision plutôt que d’aller voter. Chacun récoltera des miettes et laissera le bon peuple de gauche désarmé face à un trio mortifère, Macron, Wauquier, Le Pen. Triste spectacle. Dangereux spectacle.
Le peuple de gauche est exclu des décisions des partis et se morfond ; doit-il encore être réduit pendant longtemps à un rôle d’observateur d’un monde compliqué et cruel, où les riches sont de plus en plus riches et lui de plus en plus asservi, voire de plus en plus pauvre. Il est spolié des acquis que ses ancêtres ont gagnés au terme de luttes sanglantes ; il voit disparaître le code du travail, la Sécurité sociale, la retraite par répartition, les services publics de l’enseignement, la santé, la SNCF, la sécurité et assister à l’offrande au privé. Le modèle social de la France entre les mains des saigneurs, est-ce imaginable ?
Sommes-nous condamnés à avoir peur de l’autre et à voir les tenants du pouvoir rejeter les réfugiés dans la Méditerranée ; le berceau de tant de démocraties ne peut pas rester impunément le plus grand cimetière de la misère du monde.
Le peuple de gauche n’en peut plus d’assister à l’indifférence de la gauche et d’écouter ses silences en réponse à ses appels au secours. Les idéologies de gauche ne sont pas taries, mais les dirigeants de leurs partis se complaisent dans un mutisme lâche et absolu.
Ce qui me reste d’illusions, je voudrais le crier à cette gauche qui n’agit pas pour nous tirer d’un mauvais rêve, qui ne pense pas à ceux qui ne sont pas les premiers de cordée.
Je voudrais crier mon désarroi et mon désespoir devant ce spectacle affligeant de la gauche. Je voudrais interpeller des dirigeants indignés en parole devant les mauvais coups de Macron, mais qui ne répondent à aucun appel au secours des plus pauvres. Les socialistes, les premiers responsables de l’accession au pouvoir du président des riches, se réfugient, impavides, dans un silence coupable et feignent d’ignorer leur responsabilité immense, pariant même sur un retour de Hollande.
Je ne voudrais pas qu’à ma question du titre, l’écho me réponde : « Elle va droit dans le mur ! »
J’en ai accumulé des désillusions ! Trop. Trop cruelles. Trop souvent répétées. Localement et nationalement. Mais, dans un coin de mon cerveau, il me reste encore quelques espérances. Les dernières, hélas. Fragiles, car plus le temps passe, plus il deviendra compliqué de renouer avec les jours heureux.