L’Europe est bien malade ; le fascisme triomphe en Italie, rejoignant les pays ultra-réactionnaires comme la Pologne et la Hongrie et même la Suisse se joint aux mouvements rétrogrades en votant pour le recul du départ des femmes à la retraite à 65 ans au lieu de 64. Et la France ? Le Pen, Ciotti et autres Bolloré préparent l’arrivée de gouvernements, copies conformes de ceux d’Italie, Hongrie et Pologne, xénophobes, homophobes, anti-IVG, dénonçant tous les acquis sociaux.

On peut remercier l’ultra-libéralisme des Sarkozy, Hollande ou Macron qui a bien préparé le terrain et semé les graines vénéneuses.

Le climat délétère est entretenu par un système médiatique dont Vincent Bolloré est l’exemple emblématique. Le Pen Club français vient de publier un communiqué qui dénonce les méfaits du patron de Vivendi. Implacable, mais insuffisant ; l’appel aux pouvoirs publics pour se saisir du sujet est d’une rare naïveté. Néanmoins, la piqure de rappel des méfaits de Bolloré n’est pas inutile :

« Le PEN Club français alerte une nouvelle fois les pouvoirs publics et l’opinion publique sur les agissements du groupe Bolloré qui entrave explicitement, et jusqu’ici impunément, la liberté d’expression.

Rappelons les désolants épisodes ayant émaillé la prise de contrôle des médias audiovisuels par le groupe Bolloré : départs massifs de la rédaction d’I-télé (2016) suppression des émissions d’investigation et de décryptage (Zapping) à la chaîne Canal+ (2016), puis de l’émission satirique Les Guignols de l’info(2018), le licenciement de Stéphane Guy en décembre 2020, après 23 ans à Canal+, pour « déloyauté », c’est-à-dire sa prise de parole solidaire de Sébastien Thoen, lui-même éjecté pour avoir parodié une émission phare de l’une des chaînes de télévision dirigées par Bolloré, C-News.

Il s’ensuivit en 2021 la suppression de trente-huit postes à la rédaction de la station radio périphérique Europe 1. Puis, dans le domaine de la presse écrite, tout récemment (août 2022), l’éviction du rédacteur en chef politique de Paris-Match pour s’être opposé à la publication d’un article en une mettant à l’honneur un prélat ultraréactionnaire.

L’affaire Guillaume Meurice se place, elle, dans le champ éditorial — l’emprise de Bolloré dans ce secteur a déjà provoqué le départ du Président-directeur général d’Hachette-Livre, Arnaud Nourry, (2021), voire celui de la directrice des Éditions Arthème Fayard, Sophie de Closets (2022). Les prochaines manœuvres du groupe Bolloré — démantèlement du groupe Editis (Laffont, Nathan, Univers Poche, Le Robert…) afin d’acquérir, sans risque de position monopolistique, le groupe Hachette — provoquent une immense anxiété dans le milieu de l’édition, qu’il s’agisse des professionnels du livre ou des auteurs.

C’est dans ce contexte que la censure extrême d’un livre, Le Fin Mot de l’histoire de France en 200 expressions, prévu aux Éditions Le Robert — la sortie du livre a été annulée avant même qu’il soit imprimé — auquel Guillaume Meurice a participé, résonne de façon aiguë. Les faits ayant conduit à cette décision ? L’humoriste aurait commis une plaisanterie insoutenable : à l’entrée « Faire long feu », il avait apporté ce commentaire : « Expression remplacée aujourd’hui par “révéler sur Canal + les malversations de Vincent Bolloré”. » 

Tout indique qu’un nouveau pas est franchi dans le musellement de la libre expression en France exercé par un puissant groupe privé mû par une idéologie rétrograde, accentuant de façon dangereuse les effets négatifs de la concentration des médias, concentration examinée par une commission sénatoriale, il y a quelques mois : les manquements à l’éthique et la brutalité des procédures sont de l’avis du PEN Club français suffisamment graves pour que les pouvoirs publics se saisissent du sujet et que soit instituée une commission d’enquête. »