La plus grande confusion règne dans tous les esprits ; les pertes de repères sont ahurissantes dans le nouveau monde. Et seuls les ultra-riches semblent surnager.

Dans le cadre du salon Presse au futur, organisé pour la 13e fois par une agence de communication, Dotevents, les patrons de toutes les formes de presse écrite ont élu Daniel Kretinsky ‘’éditeur de l’année’’ et le trophée (les organisateurs n’ont pas peur des mots pompeux) lui a été remis au cours d’une soirée organisée à l’UNESCO.

Comment une telle ineptie est-elle possible ? Comment décerner un ‘’trophée’’ à un milliardaire le titre d’éditeur de l’année, alors qu’il s’est contenté de racheter des titres de presse magazine et de s’inviter au capital du Monde grâce à une fortune (la 5e de la République tchèque) amassée dans le commerce de l’énergie pas nécessairement renouvelable (il même racheté deux centrales à charbon destinées à la fermeture !). Les rédacteurs du Programme national de la Résistance sont outragés. Une fois encore. Pour les journalistes c’est une provocation ; une de trop.

L’éditeur de l’année était en concurrence avec trois autres patrons, dont Gabriel d’Harcourt, de la Voix du Nord, qui s’est distingué par son courageux combat contre le Front national (désormais Rassemblement national). Entre le fric et le combat contre le racisme et l’intolérance, les patrons de presse ont choisi. Leur choix est symptomatique de leurs priorités éditoriales. Les dollars et les magnats les font toujours saliver d’envie.

Le texte de présentation de Daniel Kretinsky par Dotevents trahit d’ailleurs l’éblouissement de ceux qui contrôlent la presse écrite :

« D’origine tchèque, il est devenu, en quelques années, la cinquième fortune du pays. En 2018, il décide d’investir dans la presse française et rachète la plupart des titres magazines du groupe Lagardère (Elle, Télé 7 jours, Version Femina, France Dimanche…) puis l’hebdomadaire Marianne et devient, en octobre 2018 et courant 2019, actionnaire prépondérant du Monde, pour, dit-il, assurer un engagement citoyen et lutter contre les GAFA. Il s’assure alors les services de Denis Olivennes, auparavant directeur général du groupe Lagardère, fin connaisseur du marché du magazine, pour coordonner la stratégie des neuf magazines qu’il détient (hors Le Monde). »

Chez les patrons, on a les hérauts du libéralisme qu’on peut !

Quant à l’UNESCO, elle s’est, elle aussi, fourvoyée dans une opération qui doit faire rougir de honte les prédécesseurs de la directrice générale, Audrey Azoulay. Doit-on rappeler qu’elle a été ministre de la culture et de la communication (et membre du Parti socialiste) d’un président de la République qui avait osé dire un jour d’égarement sans doute que la finance était son principal adversaire.

Daniel Kretinsky, lui, doit savourer l’hommage qui lui est rendu. Drahi, Arnault, Bolloré, Dassault, Pinault, Niel peuvent postuler l’an prochain. La Presse au futur, c’est eux ? On en reparlera.