Comment Vincent Bolloré va-t-il intégrer le groupe Lagardère dans Vivendi ? Quel sort réserve-t-il aux quelques 200 marques d’édition (littérature, éducation, livres illustrés, littérature jeunesse, dictionnaires et encyclopédies, fascicules, bandes dessinées, mangas) quand on sait comment il a agi dans les médias ?

L’annonce de la cession d’Editis pour contourner les règles anti-concentrations n’a pas rassuré auteurs, éditeurs et libraires.

Dans un communiqué, un collectif prend acte de cette décision et les signataires « se félicitent à ce stade d’avoir été en partie entendus ». Néanmoins, les craintes du monde du livre restent vives :

« Ils restent néanmoins mobilisés et extrêmement vigilants, d’une part, quant aux conditions dans lesquelles le groupe Editis, que Vincent Bolloré a indiqué vouloir revendre, serait cédé ; d’autre part, quant au risque d’un accroissement de la position dominante du groupe Hachette après son intégration au groupe Vivendi. En effet, cette intégration, si elle était confirmée, pourrait conduire à renforcer la position déjà largement dominante de Hachette, grâce aux moyens financiers décuplés dont disposerait le groupe, ce qui risquerait d’accélérer sa politique de rachat d’éditeurs indépendants, aggravant ainsi le phénomène de concentration dans l’édition. Il conviendra notamment de s’assurer qu’existeront bien demain sur le marché du livre les conditions d’une concurrence véritable et équilibrée entre les groupes Hachette et Editis. L’identité du repreneur d’Editis devra également faire l’objet d’une très grande attention. La vente du deuxième groupe français d’édition à une entité ou une personnalité qui nourrirait des espoirs de retour sur investissement à court terme pourrait conduire — par la recherche de profits immédiats, par une politique éditoriale tournée exclusivement vers les meilleures ventes, par l’attraction des auteurs à succès au détriment de la diversité éditoriale, par des politiques commerciales agressives vis-à-vis des libraires — à transformer notre industrie culturelle en une industrie du divertissement. »

Les signataires connaissent trop les roueries, les coups tordus, l’interventionnisme dans ses médias (à Canal+ et à iTélé, notamment) et les positions idéologiques de Vincent Bolloré pour être pleinement sereins. Et, mieux que d’autres, ils savent ce qu’est devenue la culture (et le livre) sous l’emprise des milieux financiers, un produit comme un autre. Ils ont lu le livre de Theodor Adorno et Max Horkheimer, ‘’Dialetktik des Aufklärung’’, dans lequel on peut lire cette phrase : « Les productions de l’esprit dans le style de l’industrie culturelle ne sont plus aussi des marchandises, mais le sont intégralement. »

Le livre date de 1947 et, depuis, financiers, sans autre horizon que celui de la création de valeur pour l’actionnaire, et industriels réactionnaires, comme Vincent Bolloré, n’ont pas cessé d’accroître leur influence sur les productions de l’esprit.