François Dosse est historien et épistémologue ; il a centré ses recherches sur l’histoire intellectuelle et notamment sur Paul Ricoeur et Michel de Certeau. Il a créé la revue Espaces Temps et parmi ses nombreuses publications on retiendra sa Saga des intellectuels français.

C’est lui, François Dosse, qui a présenté Emmanuel Macron à Paul Ricoeur et ces hommes-là ont partagé beaucoup de leurs réflexions ; ils ont été de la même communauté d’esprit.

Aussi quand François Dosse écrit au président de la République dans une tribune du Monde, cela ne passe pas inaperçu, d’autant que l’historien confesse : « J’ai eu pour toi les yeux de Chimène, émerveillé par l’étendue de tes compétences et de ton savoir-faire. »

Mais, aujourd’hui, la communauté d’esprit vole en éclat et l’historien fait état de sa rupture avec Emmanuel Macron avec éclat :

« Si je prends la plume aujourd’hui, c’est que je ne peux pas souscrire à tes dernières déclarations sur la nécessité d’un débat national sur l’immigration et à l’orientation politique prise dans ce domaine par ton gouvernement. La stigmatisation de la population immigrée comme source des problèmes que rencontre la société française, qui se situe aux antipodes des positions éthiques et politique de Ricoeur dont tu t’es réclamé , constitue pour moi un moment de rupture majeur. »

L’acte d’accusation est sévère mais argumenté. 

François Dosse reproche au président de la République sa déclaration du 16 septembre évoquant la nécessité de « se préparer aux ‘’défis qui font peur’’. » Il dénonce un président qui accrédite le « climat délétère d’intoxication sur le prétendu ‘’grand remplacement’’, d’instrumentalisation des peurs, de replis sur soi attisés par la haine de l’autre. »

Dosse dénonce ceux qui, aujourd’hui, font preuve d’une « certaine dose de cynisme (…) pour affirmer que l’on ne désire que ceux qui peuvent servir les intérêts des pays les plus riches. » Les politiciens visés se reconnaîtront.

La chute de la tribune de François Dosse est assassine. L’historien cite le discours de campagne du candidat Macron, le 1er avril 2017 à Marseille, dans lequel il clamait :

« Quand je regarde Marseille, je vois une ville française façonnée par deux mille ans d’histoire, d’immigration, d’Europe, de Vieux-Port à Saint-Loup en passant par le Panier », et d’ajouter : « Je vois les Arméniens, les Comoriens, les Italiens, les Algériens, les Marocains, les Tunisiens, les Maliens, les Sénégalais, les Ivoiriens, j’en vois des tas d’autres, que je n’ai pas cités, mais je vois quoi ? Des Marseillais, je vois des Français, ils sont là et ils sont fiers d’être français. »

Entre François Dosse et Emmanuel Macron, il s’agit effectivement d’un moment de rupture majeur. Le président de la République a trahi ses maîtres à penser et ses amis, Paul Ricoeur en premier et une partie des Français qui avaient voté pour lui. En fait il a renié le monde nouveau qu’il avait promis et demain de nombreux électeurs qui l’avaient suivi seront aux côtés des Français dans la rue pour le lui dire.