Pour une belle journée ce fut une belle journée : la France des luttes plurielles a infligé le 5 décembre 2019 un désaveu cinglant à Emmanuel Macron. Les derniers de cordées ont exprimé leur colère, leur ras-le-bol du mépris et des insultes et leur refus d’une énième prétendue réforme, celle des retraites, qui n’a d’autre but que de les appauvrir davantage.

Dans des cortèges solidaires, bigarrés, enthousiastes, mais lucides et imaginatifs chacun, avec ses revendications et ses solutions, mais sa volonté de rester unis pour refuser de s’enfoncer davantage dans un nouveau monde mortifère, a contribué à créer un rapport de force qui était présenté comme impossible par tous les médias et les chantres du libéralisme.

L’intelligence collective était dans la rue, ni à l’Elysée, ni dans les bureaux des ministres.

La journée a été belle, à tel point que les radios et les télévisions qui vilipendaient les corporatismes et la ringardise des grévistes, qui prédisaient un jeudi noir et le chaos avec son lot de désagrément et de galère pour ceux qui veulent travailler, qui annonçaient des incidents sur la foi de renseignements glanés dans les couloirs du ministère de l’intérieur, et, fin du fin, la paralysie d’un pays qui ne peut se permettre de mouvements catastrophiques pour notre économie, ont ravalé leurs morgues pour parler d’une mobilisation importante.

Certes, les raisons de la grève sont restées floues et les alternatives passées sous silence ; les réflexes pavloviens des éditorialistes sont réapparus aussitôt, mais on a entrevu un court instant ce que pourrait être une information citoyenne, respectueuse du pluralisme et de la confrontation d’idées.

L’exercice n’a duré que l’espace d’un instant, jusqu’à jeudi soir, car les représentants du gouvernement présents sur l’émission spéciale de France 2 ont été si ridicules qu’il leur sera intimé l’ordre de ne plus se prêter à ce genre d’exercice.

Le pouvoir macronien va très vite reprendre en main sa communication et tenter de discréditer les syndicats.

Nul doute que Laurent Berger, le brillant successeur de Nicole Notat, sera mis à contribution. Macron le convoquera (de nuit) à l’Elysée, lui lâchera quelques miettes contre un soutien à la casse du système de retraites.

Mais le peuple qui s’est levé le 5 décembre ne saura pas se satisfaire des miettes et de vulgaires promesses. La vague de l’océan est trop forte pour être évitée d’un coup de pagaie ; les salariés ont exprimé leur refus de toute la politique sociale de Macron et il déborde largement la réforme des retraites.

Oui, la journée a été belle et l’élan est tel qu’elle sera suivie d’autres, aussi belles. Pour imposer les jours heureux de demain. Tous ensemble.