Olivier Passet, directeur de la recherche au sein de l’institut privé Xerfi, spécialisé dans l’analyse économique, n’hésite pas à écrire que « rarement nos représentations économiques n’ont été aussi violemment disqualifiées par l’observation des faits. »

On savait que les économistes, toujours plongés dans les cours de la bourse, les profits et les dividendes, étaient de piètres analystes, mais voilà qu’un des leurs jette un pavé dans la mare et les disqualifie. Ce sont toutes les thèses sur le libéralisme qui sont discréditées. Olivier Passet « souligne trois anomalies majeures qui sont autant d’énigmes pour la théorie économique ».

« La première anomalie c’est le découplage inédit de la croissance et de l’emploi. Scruter l’économie française en 2022, c’est scruter une économie évoluant très en dessous de ses capacités (de son potentiel comme on dit) (…) Ce que confirme l’OCDE, qui considère le PIB français comme étant encore inférieur de 2% à son potentiel (…) Les immobilisations et l’emploi ont résisté dans un premier temps, ce qui aurait dû générer logiquement une situation de sureffectif, défavorable à une reprise de l’emploi ou de l’investissement par la suite. Or ce n’est pas du tout ce que l’on observe.  L’emploi est reparti dès la fin 2020, a dépassé ses niveaux d’avant crise dès début 2021 en dépit des rechutes sanitaires, et surplombe désormais de plus de 800 000 ses niveaux pré-covid. Les difficultés de recrutement sont à leurs zéniths (…) Et in fine nous parvenons à ce grand paradoxe : sur 3 ans l’économie a connu sa pire performance de croissance de l’après-guerre, alors que les créations d’emplois sur la même période sont à un quasi-record historique, à plus d’un million, niveau qui n’a été dépassé que lors de l’euphorie de la bulle internet au tournant des années 90-2000. »

L’économiste de Xerfi a relevé une deuxième anomalie qui, pour lui, est une deuxième énigme : « Après deux chocs contraires majeurs les agents privés conservent une situation d’aisance financière qui défie les pronostics (…) Une aisance que confirment les données bancaires les plus récentes sur le niveau de cash des agents privés : le niveau d’épargne financière, notamment la composante la plus liquide, demeure à des niveaux élevés de façon atypique. Le résultat recouvre bien sûr de fortes disparités au plan individuel, mais il n’en bouscule pas moins nos représentations standards. »

Olivier Passet a pu remarquer un dysfonctionnement étonnant : « Alors que l’inflation s’infiltre de plus en plus profondément dans l’économie, que les taux d’intérêt remontent, que la récession mondiale paraît inévitable, les Bourses vacillent mais résistent encore sur leur niveau d’avant Covid (…) Des taux d’intérêt dont le niveau défie ce que nous croyions savoir sur leur mode de formation (…) Une règle qui disait en substance qu’un taux court intègre a minima l’inflation courante pour protéger les épargnants, plus une prime sanctionnant le fait que l’inflation s’écarte de sa cible et que l’activité s’éloigne de son sentier soutenable non inflationniste. Si l’on appliquait cette règle aujourd’hui, les taux courts devraient voisiner 14% aux États-Unis et 12% en Europe. »

Sa conclusion est un camouflet à tous les économistes, y compris ceux qui soutiennent avoir des réponses à tout comme Macron et Le Maire : « Bref, l’économie contemporaine, mettant en échec nos représentations standards dominées par le paradigme de l’équilibre, qui ont la vie dure, emboîte les déséquilibres, des déséquilibres qui eux aussi ont la vie dure. Et plus que jamais nos outils d’analyse, nous poussent à la faute d’interprétation et à la production de fake news, attendant une mise à jour sans cesse reportée. »

Sans commentaire.