J’imagine que l’embauche de Laurent Berger, désormais ex-secrétaire général de la CFDT, par le Crédit Mutuel va susciter des remarques acerbes dans les milieux syndicaux et politiques.
Dans un monde où les leviers politiques sont sous la dépendance des dogmes des milieux financiers, ce recrutement est incongru, même si le Crédit Mutuel se gausse d’être mutualiste (ce qu’il n’est pas réellement). A qui fera-ton croire que Laurent Berger aura le pouvoir d’influencer le prétendu ‘’virage stratégique’’ d’un établissement qui est encore aux côtés des industriels des énergies fossiles et ne consacre que 15 % de son résultat net à des projets ‘’verts’’.
Les exemples des prédécesseurs de Laurent Berger ne manquent pas d’interroger. Edmond Maire (président des VVF), Nicole Notat (et son agence de notation) et François Chérèque (recasé comme inspecteur général des affaires sociales) ont-ils fait émerger un seul problème sociétal ?
Les illusions se paient très cher. Les journalistes et les ouvriers du Livre de la dizaine de titres de quotidiens régionaux du groupe EBRA, contrôlés par le Crédit Mutuel, eux, ne se bercent plus d’illusions. Ils ont déjà payé.
Cela dit, la reconversion de Laurent Berger met au grand jour un problème du syndicalisme aujourd’hui. Il est évidemment souhaitable d’avoir des dirigeants jeunes, ne consacrant qu’une partie de leur carrière à la chose syndicale. Il est clair que de hauts dirigeants qui ont eu d’énormes responsabilités et acquis des connaissances indéniables ne doivent pas se retrouver sans emploi à la fin de leur mandat.
Faute d’un statut de l’élu syndical, les anciens syndicalistes sont-ils condamnés à retourner dans leur ancien emploi ou, s’ils ont démissionné pour militer, à attendre une offre, qui sera, on s’en doute, toujours interprétée comme une récompense pour services rendus ou comme un alibi ?
Il ne semble pas que l’ultralibéralisme soit prêt à négocier sur le sujet ; on en veut pour preuve une mise à l’écart de plus en plus prononcée des syndicats par une politique autoritaire et verticale.
La reconversion des syndicalistes par la voie de la validation des acquis n’est pas inscrite à l’agenda du capitalisme.