C’est un petit tableau (de 21,5 cm sur 27), œuvre de Paul Sérusier, peintre insuffisamment connu. Un chef-d’œuvre ? Il n’a jamais été reconnu comme tel par le grand public, malgré sa place importante parmi les peintres pour qui il reste comme l’une des œuvres majeures dans l’évolution de l’art ou plutôt dans la révolution du tournant du XXe siècle.

Paul Sérusier avait rejoint Pont-Aven, où séjournaient Paul Gauguin, Maurice Denis ou encore Emile Bernard.

Les discussions étaient vives entre eux sur les questions de sensation visuelle, d’utilisation des couleurs et, surtout, sur la nécessaire libération de toutes les entraves aux instincts du peintre, après la période de l’impressionnisme triomphant.

L’histoire retient que Gauguin aurait dit à Sérusier : « Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ; cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ; ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon. »

Sérusier avait alors peint « L’Aven au Bois d’amour »qui deviendra un véritable manifeste, rebaptisé le Talisman, symbole et référence d’une peinture nouvelle, abstraite, aux couleurs pures apposées en surface plane

Le très beau musée de Pont-Aven consacre (avant le musée d’Orsay en janvier) une non moins belle exposition, ‘’Le Talisman de Paul Sérusier, une prophétie de la couleur’’où sont rassemblées 80 œuvres qui ont largement influencé l’art moderne et contemporain.

Le retour du tableau de Sérusier à Pont-Aven avant Paris est une excellente initiative de décentralisation culturelle et une exposition qui rend hommage à un peintre qui n’a pas la place qu’il mérite. Elle donne à comprendre comment l’acte créatif se nourrit alors de la confrontation des artistes, comme l’ont également fait Picasso et Braque ensuite, avant que l’art ne devienne, plus tard, une industrie dans un monde libéral.

Je préfère Sérusier à Koons. Le premier créait quand le second remplit son compte en banque. Le musée de Pont-Aven mérite à coup sûr un détour sans attendre l’exposition du musée d’Orsay. C’est à Pont-Aven qu’on s’imprègne le mieux de l’ambiance créative de ceux qui allaient devenir des « nabis », créant le synthétisme et inspirant tout l’art pictural du XXe siècle.