Mardi 9 juin, un soir comme un autre pour France 2 ; le journal de 20h est toujours présenté par Anne-Sophie Lapix et son sourire commercial. Le sommaire n’est pas pire qu’à l’habitude ; pas mieux non plus. A écouter avec attention, peut-être pire, quand même.

La présentatrice au sourire commercial ‘’lance’’ le sujet de la rubrique ‘’L’œil du 20h’’ :

« De nombreux parents se plaignent de ne pouvoir mettre leurs enfants à l’école, d’autant que certains professeurs n’ont jamais donné de cours en ligne. Ils se sont évaporés ; si une large majorité d’enseignants ont répondu présents, 4 à 5 % de professeurs auraient décroché selon le ministère de l’éducation. Où sont passés les professeurs décrocheurs ? »

Il a sans doute échappé à Anne-Sophie Lapix que de nombreux parents se plaignent de ne pouvoir mettre leurs enfants à l’école parce qu’il ne sont pas prioritaires, parce que le gouvernement a mis de telles conditions (faute de matériels suffisants) que 20 % des enfants seulement ont pu revenir sur leurs bancs.

Le journaliste de service, Julien Nény, s’est alors lancé dans un véritable réquisitoire à charge contre ces enseignants fainéants, parlant de ceux qui « ont carrément abandonné leurs élèves pendant deux mois » ou de « certains professeurs (qui) ont séché leurs propres cours ». Mots assassins, assénés sans argumenter.

Il ne restait plus qu’à interviewer une famille (floutée) « qui a décidé de briser un tabou » (l’élève était-il en primaire, en secondaire ? Dans un établissement public ? Et pourquoi ne pas avoir recherché à interroger un de ces absents ?) et à piéger un enseignant pour lui faire avouer « comment obtenir un arrêt de travail ».

Travail bâclé, s’appuyant sur les chiffres « confirmés par le ministre de l’éducation », celui qui voulait envoyer les enseignants cueillir des fraises, des cerises, des abricots ou récolter des pommes de terre, qui a annoncé de multiples mesures toujours démenties par le premier ministre…

S’appuyer sur une seule famille, quand la pratique professionnelle exige de recouper les points de vue et les informations ; piéger un enseignant en enregistrant sa déclaration à son insu ; interroger une fédération de parents d’élèves classée à droite et un enseignant d’établissement privé ; ne pas s’interroger sur les raisons de l’absence des enseignants, qui pouvaient être malades ; s’appuyer sur les chiffres du seul ministre ; voilà comment le service public informe.

Les réactions ont été nombreuses et indignées. Le médiateur de France Télévisions, l’ineffable Jérôme Cathala n’a pas trouvé mieux que de laisser la parole au rédacteur en chef adjoint du journal, Thibault de Barbeyrac, pour tenter de justifier l’injustifiable. Ce dernier a ramé, ramé, mais est resté droit dans ses bottes (c’est une habitude chez les gens de droite) : il a osé dire qu’il ne s’agissait pas d’acharnement, mais d’information.

Une certaine idée de l’information, bâclée, indigne du service public.

Le jeune journaliste de service ce soir là, Julien Nény, aura bientôt une promotion. Au royaume de la désinformation, il a gagné ses galons sur le front de la guerre contre tous les fainéants, au premier rang desquels les enseignants bien sûr, ces nantis, toujours en vacances et toujours prêts à décrocher.

Quant à la gestion déplorable de l’école durant la crise sanitaire, elle n’intéresse sans doute personne.

Honte à France 2 et aux journalistes qui ont officié ce soir-là. On attend une réaction des syndicats de journalistes !