Le quotidien de révérence, pour qui l’ignorerait encore, c’est l’un des surnoms du Monde. Parfois, on le dit aussi quotidien vespéral.

Son édition datée de ce jour a consacré un article à la crise de la presse sous le titre ‘’La crise sanitaire oblige la presse à repenser son avenir’’. Question d’actualité et question qui mériterait de longs débats. Mais son traitement par Le Monde vient encore confirmer les surnoms dont on l’affuble.

La journaliste de service n’a sans doute que les numéros de téléphone des patrons de presse dans les contacts de son Smartphone, puisqu’aucun journaliste, aucun syndicaliste n’a eu le droit de s’exprimer, même en quelques lignes, sur la question.

En revanche, le patron du groupe suisse Ringier en France a eu droit à plusieurs citations, dont l’une mérite une attention particulière :

« Cette crise doit être le moment d’une radicale revue de toutes les pratiques », plaide Jean-Clément Texier, « libéral impénitent », qui imagine une presse plus chère, aux charges locatives allégées par le développement du télétravail, une sortie du salariat pour les journalistes, une diminution des éditions locales des quotidiens régionaux, des groupes de médias redimensionnés, etc. Utopie ou dystopie ? »

Ce patron, libéral impénitent donc, a un long passé dans la presse ; il a débuté à Combat (pas celui d’Albert Camus, hélas), puis il a sévi à La Croix, à Presse Actualité, puis il est devenu banquier, avant de revenir dans le milieu de l’information en étant nommé administrateur du groupe Ringier, mais aussi de Midi Libre, de Télérama ou encore du Point. Il s’enorgueillit d’être le président du conseil de perfectionnement de l’école de journalisme au sein de l’université d’Aix-Marseille.

Il est à espérer que les étudiants de l’école apprécieront un président qui ne veut plus de journalistes salariés, donc même plus de pigistes, mais des forçats mal payés et astreints à travailler à domicile pour alléger les charges locatives des pauvres patrons des feuilles qui accepteront de publier leurs reportages.

La crise fait délirer les patrons ; mais, à la réflexion, rêvent-ils vraiment ? La crise est une occasion unique, pensent-ils, pour finir le travail d’Emmanuel Macron, broyant le code du travail, les salaires et les retraites. Et ils se collent à la tâche en multipliant les actions de lobbying auprès de leurs chers amis à l’Elysée et à Matignon.

Alors, l’imagination de Jean-Clément Texier, s’agit-il d’utopie ou de dystopie ?

Peu importe, les journalistes doivent ouvrir les yeux et voir en face les dangers qui les guettent.