Le musée de La Piscine de Roubaix a annoncé le décès de Mahjoub Ben Bella à Lille, à l’âge de 73 ans.

La disparition d’un des très grands peintres contemporains a échappé aux quotidiens nationaux et plus encore aux chaînes de télévision. Quelle inculture !

Mahjoub Ben Bella était reconnu dans le monde entier ; il est exposé dans les plus grands musées et il est en vente dans de nombreuses galeries internationales, mais sans doute a-t-il eu le tort d’installer son atelier à Tourcoing au milieu de cette généreuse terre du Nord et de se tenir à l’écart des milieux germanopratins.

Ben Bella avait une double culture, celle de son Nord d’adoption et celle de sa Méditerranée natale ; cette double culture explique une œuvre dans laquelle il laisse éclater les couleurs. Volontairement abstrait, il s’est exprimé par une calligraphie arabe (il préférait qu’on utilise le mot graphie) qu’il utilisera dans des formes de plus en plus abstraites pour nous plonger dans un univers singulier et unique.

Il a avoué avoir été influencé par de grands maîtres (sa nourriture spirituelle, dira-t-il), dont il a revisité avec un immense talent quelques toiles célèbres comme Les femmes d’Alger de Delacroix, le Tres de Mayo de Goya ou encore le Guernica de Picasso.

Il s’était exprimé également sur des supports monumentaux ; il a décoré la station Colbert du métro de Lille avec des carreaux de céramique, une dizaine de kilomètres des pavés de la célèbre course Paris-Roubaix, réalisé un portrait pour le 70eanniversaire de Nelson Mandela dans le stade de Wembley, etc.

Il confiait que « Les traits, c’est mon écriture imaginaire que je fais vivre sur mes toiles, mes carnets, sur des céramiques, sur des bois de cageots ou encore sur des pavés comme je l’ai fait en 1986 pour le Paris-Roubaix(…) La peinture est le seul élément qui me permet de m’exprimer. Si on me demande de faire de la photo et des arts conceptuels, je n’en ai pas envie. Je reste au stade de la couleur, au rythme de la peinture. Depuis toujours, depuis les Beaux-arts à Oran, ce sont les mêmes rails. Mon travail, ce n’est pas de la décoration. Je ne suis pas coloriste ; je ne suis pas un peintre en noir et blanc… Je sais dominer la couleur. »

J’avais eu la chance de visiter l’exposition d’une centaine de ses œuvres à l’Espace Comtesse à Lille en 2013 ; me laissant un souvenir inoubliable tant ses toiles provoquaient une émotion artistique par l’éclat de leurs couleurs et de leur graphie. Ses toiles vous forçaient à vous interroger.

Mahjoub Ben Bella, son regard franc et malicieux, sa moustache à la Brassens ont laissé une trace indélébile dans le Nord et dans le monde. On ne peut donc pas comprendre le silence des grands médias au moment de sa disparition.