Il arrive que le service public de la télévision réponde à ce qui est sa tâche initiale : informer, divertir, éduquer. Il arrive qu’il remplisse son rôle d’informateur indépendant, au risque de déplaire aux institutions.

C’est ce qui est arrivé hier soir avec la diffusion dans le cadre de l’émission Complément d’enquête d’un reportage d’Elizabeth Drévillon sous le titre ‘’Danger à l’hôpital : quand les médecins balancent’’.

Grand reporter, Elizabeth Drévillon continue à rechercher les dysfonctionnements de la société et des droits de l’homme. Dans ce nouveau reportage, elle nous a emmené dans les hôpitaux de Nice, de Nantes et de la Pitié-Salpêtrière à Paris pour témoigner de la grave situation des établissements publics.

Médecins, infirmiers et aides-soignants portent des accusations si fortes sur l’état de délabrement de notre système de santé publique que la ministre, Agnès Buzyn, a refusé de venir débattre après la diffusion. Sans doute préfère-t-elle aller sur France Inter où le tandem Demorand – Salamé ne la mettra pas en difficulté et ne la contraindra pas à reconnaître les méfaits de la politique de son ministère.

La politique du gouvernement actuel et de ses prédécesseurs avec la tarification aux actes, l’imposition de gestion sous le seul angle de la rentabilité, les blocages des salaires entraînant une pénurie de personnel (et les démissions) ou encore les fermetures de lits et l’absence d’entretien des locaux, a été mise au jour avec une rare énergie par la journaliste et les soignants dont on louera le constat sans langue de bois.

Le système français de santé publique a chuté de la première place mondiale à la vingtième selon le Lancet ; les médecins ont dénoncé la mise en danger des patients et la baisse du budget de l’hôpital public (plus de 7 milliards en dix ans !). Au grand désespoir des médecins, comme Sophie Crozier et Christophe Trojani qui portent un regard sans concession sur les conditions d’exercice de leur mission.

Après un tel réquisitoire, on comprend toute l’étendue du désarroi des personnels soignants, mais aussi une colère qui doit irriguer toute la société.

Tous les effets du libéralisme et de la politique de privatisation rampante des activités humaines pouvant générer des profits étaient réunis dans ce reportage qui aurait mérité d’être vu par le plus grand nombre et donc à une heure de grande diffusion et non à 23 heures.

Comment ne pas partager la colère des personnels des hôpitaux publics et comment ne pas rejoindre leurs combats ?

France 2, Jacques Cardoze et Elizabeth Drévillon méritent notre gratitude pour avoir osé montrer un reportage qui ne doit ni faire peur, ni résigner les citoyens, mais qui, bien au contraire, doit inciter à la lutte pour sortir du libéralisme et du ‘’tout fric’’ ambiant.