La ministre de l’intérieur israélien, Mme Ayelet Shaked est censée expédier les affaires courantes dans l’attente de la composition du nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahou. Elle veut laisser une empreinte et elle a expulsé l’avocat Salah Hamouri en France ; la date n’a pas été choisie par hasard : le jour de la finale de Coupe du monde de football qui a retenu l’attention de tous les médias dans l’Hexagone.

Salah Hamouri était retenu depuis le mois de mars en détention administrative, c’est-à-dire sans accusations formelles et sans qu’il puisse avoir connaissance de l’acte d’accusation, sinon que la justice israélienne le soupçonne d’avoir pris part à un projet d’assassinat visant le grand-rabbin Ovadia Yosef, chef du parti religieux Shass. L’avocat a toujours nié.

Salah est né à Jérusalem-Est, terre annexée, d’un père palestinien et d’une mère française ; il a grandi, scolarisé l’école privée catholique De La Salle, étudiant à l’université de Bethléem, avant de devenir avocat. Il a la double nationalité, mais il a une carte d’identité israélienne et le droit de vote.

La ministre a voulu ce dernier geste radical et s’en vante : « C’est un formidable accomplissement d’avoir pu provoquer, juste avant la fin de mon mandat, son expulsion ». A quoi, Amnesty International a rétorqué dans un communiqué : « Cette expulsion est une manœuvre visant à entraver le travail de Salah Hamouri en faveur des droits humains, mais aussi l’expression de l’objectif politique à long terme des autorités israéliennes, qui est de diminuer l’importance de la population palestinienne à Jérusalem-est ». La président de l’association humanitaire, Jean-Claude Samouiller a ajouté : « C’est une déportation. Les expulsions forcées et les détentions forcées sans charges, la séparation des familles participent au crime d’apartheid que nous dénonçons. Il y a une volonté d’hégémonie sur Jérusalem-Est. On expulse les gens qui ne font pas allégeance à Israël alors qu’en droit international, une population occupée n’a pas à faire allégeance à une population occupante. »

Salah Hamouri a déclaré de son côté : « Je n’ai pas souhaité ce moment. J’ai été extrait contre mon gré de mon lieu de détention et envoyé en exil. Je retrouve ma famille, mes proches. Mais c’est dur d’être arraché à ma patrie. A travers ma personne, c’est un processus de nettoyage ethnique dont il s’agit. L’Etat israélien utilise tous les moyens pour qu’il y ait le moins de Palestiniens sur la terre qu’il occupe. »

La situation a été jugée suffisamment grave pour que Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’Onu sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 fasse remarquer récemment dans L’Humanité que « le cas de Salah Hamouri est exceptionnel parce qu’il est susceptible de créer un précédent juridique très dangereux par lequel la résidence d’un Palestinien de Jérusalem serait révoquée sur la base d’éléments à charge ou accusations secrètes. Le test (et le défi) est le suivant : si les autorités israéliennes venaient à agir impunément avec un individu de nationalité européenne, il n’y aurait plus rien qui pourrait les empêcher de continuer à dépeupler Jérusalem de sa population arabe. Et c’est sur cela, permettez-moi de le souligner, que le silence de la France est assourdissant. »

Les avions de Salah Hamouri et d’Emmanuel Macron se sont croisés au-dessus de la Méditerranée. Le président de la République n’a rien vu !