Après les obsèques d’Elizabth II, les journalistes français des chaînes de télévision sont rentrés dans leurs rédactions à Paris et nous avons l’espoir d’avoir enfin rendez-vous avec l’information. La société du spectacle s’en est donné à cœur joie pour éviter de parler des restrictions énergétiques, de l’inflation, de la réforme des retraites, des salaires à la traîne, des professeurs qui manquent et de bien d’autres problèmes du quotidien qui minent la société française. L’occasion était trop belle !

Mais il fallait que le spectacle soit beau et les Britanniques n’ont pas lésiné sur les moyens ; Le Monde a pu parler de « la vaste machinerie théâtrale » qui entoure le mythe de la monarchie et qui « fait obstacle à toute pensée critique » en présentant la tribune de l’écrivain Adam Thirwell, qui se prononce contre cette monarchie : « Je préférerais qu’elle n’existe pas », la qualifiant de « loufoquerie teintée de mysticisme ».

Adam Thirwell a vu dans toutes les manifestations consécutives aux obsèques d’Elizabeth « un drôle d’épisode collectif » et il remet les pendules à l’heure : « Il est, en effet, très beau, ce mythe du bien contre le mal, d’une monarchie qui incarnerait certaines valeurs, mais il se fourvoie sur le fond (Macron parle d’une protectrice de la « démocratie », alors qu’elle est l’incarnation même du pouvoir qui s’affranchit de l’élection !). Rappelons-nous qu’en 2019 la reine avait donné son aval à la suspension du Parlement de Boris Johnson et qu’il a fallu que la Cour suprême intervienne pour rouvrir le Parlement, jugeant une telle suspension illégale. Notre démocratie était protégée non pas par la reine, mais par la boussole morale des juristes. Voilà pourquoi il est si difficile de penser à la reine maintenant qu’elle est morte. Si elle adorait les chevaux et les chiens, ce qui la rendait fort sympathique, elle a également maintenu un régime fondé sur l’injustice. »

Depuis une dizaine de jours les images en provenance de Londres étaient belles et peignaient un pays recueilli ; la machinerie théâtrale a éclipsé toute réalité : « Alors que ce pays est en pleine crise – de la représentation, de l’économie, de l’information –, on nous demande d’observer une curieuse parenthèse : dix jours de deuil national. Résultat, tout le monde s’envoie des messages pour savoir ce que deviennent, pendant la coupure, les établissements scolaires, les rendez-vous médicaux à l’hôpital, les congrès d’affaires… Nous sommes en train de vivre un drôle d’épisode collectif, où tout le monde se retrouve à jongler entre plusieurs registres. »

Quelques voix des sujets de sa gracieuse majesté (sans majuscules) se sont élevées pour dire que, décidément, l’étalage de la Monarchie c’est vraiment ‘’too much’’.

En France, où, malgré les regrets de Macron déplorant l’absence de la figure du roi, et où le service public en a fait trop, ‘’enough is enough’’.