L’émission de France Culture animée par Tiphaine de Rocquigny, ‘’Entendez-vous l’éco’’, avait un titre qui ne pouvait qu’attirer mon attention : ‘’L’information pour tous : à quel prix ?’’
La liste des invités était, elle aussi, prometteuse avec deux enseignants-chercheurs reconnus, Nathalie Sonnac (qui termine son mandat au CSA) et Nikos Smyrnaios, mais aussi l’inévitable Jacques Attali.
Ce dernier est actuellement en tournée de promotion (comme les artistes) pour son dernier livre, ‘’Histoire des médias. Des signaux de fumée aux réseaux sociaux, et après’’.
Etait-il indispensable d’entendre l’ex-conseiller et sherpa de François Mitterrand dans un tel débat ? Ou les responsables de l’émission ont-ils cédé au défaut des grands médias de s’obliger à inviter les mêmes personnages au prétexte de leur prétendue notoriété ?
La présence de Jacques Attali a perverti le débat, sauvé, heureusement, par les deux chercheurs dont le temps de parole a été écourté par l’homme qui intervient sur tout sur toutes les chaînes et dans tous les médias.
Je me suis alors replongé dans le formidable Tracts (Gallimard) d’Etienne Klein, Le Goût du vrai, dans lequel le philosophe des sciences, directeur de recherche au CEA et, également, producteur d’une autre émission de France Culture, La conversation scientifique, dénonce « la tendance, fort répandue, à parler avec assurance de sujets que l’on ne connaît pas ». Cette tendance a un nom, l’ultracrépidarianisme (néologisme dit Klein « construit à partir de la locution latine : Sutor, ne supra crepidam, ‘’le cordonnier doit s’arrêter au rebord de la chaussure’’ »).
Jacques Attali n’a pas la sagesse du cordonnier et il va de chaîne en chaîne, de rédaction en rédaction, pour ‘’parler avec assurance de sujets qu’il ne connaît pas’’ (ou peu). Hélas, il n’est pas le seul dans le genre.
Dans le chapitre intitulé ‘’L’autopromotion de l’inculture’’, Stéphane Klein conclut par des phrases définitives : « Pour peu que leur égo ait atteint la bonne surdimension, certains, de plus en plus nombreux, accordent aujourd’hui à leur ressenti un crédit suffisant pour trancher d’un simple coup de phrase des questions vertigineusement complexes. Tout en reconnaissant, pour les plus honnêtes d’entre eux, qu’ils n’y connaissent absolument rien. C’est aussi en cela que notre époque est formidable. »
C’est aussi pour cela que Jacques Attali à l’égo surdimensionné est en tournée de promotion. Que France Culture tombe dans ce travers est tout simplement affligeant.