L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) vient de s’illustrer de brillante façon.

Elle est présumée être une autorité administrative indépendante, mais ses sept dirigeants sont nommés par les politiques, le président par le président de la République et les six autres membres par les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat. La présidente actuelle, Laure du Tillet, épouse d’Hubert Penin de La Raudière, a été députée d’Eure-et-Loir sous l’étiquette UMP ; elle a un long passé de droite, soutenant Bruno Le Maire, puis François Fillon, avant de rejoindre le parti dissident Agir, la droite constructive. Après sa nomination à la présidence de l’ARCEP par Emmanuel Macron, elle a conservé des mandats électifs, notamment de conseillère départementale d’Eure-et-Loir, elle s’était illustrée en 2012 en s’opposant au projet de loi sur le mariage homosexuel.

La dame de La Raudière n’est pas à classer parmi les progressistes.

Il se trouve que l’ARCEP s’est emparé du dossier des frais de port du livre ; un dossier chaud qui intéresse au premier chef la multinationale Amazon. Une consultation publique a été lancée, mais « l’Autorité attire l’attention sur le fait que les éléments présentés dans cette consultation publique ne préjugent en aucun cas de la décision finale qu’elle prendra ».

La note de l’ARCEP a fait part de ses recommandations ; elle propose que « les frais de livraison de livres neufs doivent être facturés dans le respect d’un montant minimal de tarification » et elle le fixe à 3 euros par colis. Mais, aussitôt, elle milite pour le maintien d’un seuil permettant la quasi-gratuité des frais de port, c’est-à-dire le maintien du modèle d’Amazon à 0,01 euro. L’argument est renversant : « Cette pratique revient à restituer une partie de la marge réalisée sur une vente à l’acheteur en annulant ses frais de port. Elle est favorable aux consommateurs et est de nature à les inciter à commander plus de livres pour pouvoir bénéficier de frais de port plus attractifs. »

Tout ça pour ça ! Il faut se frotter les yeux longuement pour se persuader qu’on ne rêve pas. N’est-ce pas encourager les lecteurs à acheter davantage de livres par l’intermédiaire d’Amazon ! 

Entretenir à grands frais une autorité comme l’ARCEP (la rémunération de Laure de La Raudière est de près de 200 000 euros par an, soit plus de 16 500 euros par mois, non compris quelques autres avantages) et faire une consultation publique, elle aussi onéreuse) pour en arriver à une telle conclusion ?

Quant à Amazon, ses dirigeants se frottent les mains. Les libraires, eux, continueront à maudire les plateformes numériques.