Annette, le dernier film de Léos Carax, est d’une rare splendeur ; il mérite tous les qualificatifs. Il est à la fois poétique et furieusement inventif comme tous les films de ce cinéaste qui tourne peu (en gros, il sort un film tous les huit ans).

Annette ne ressemble pas à ses œuvres précédentes : il est chanté. Alors, opéra ou comédie musicale ? Ni l’un, ni l’autre. C’est un film de Léos Carax qui n’entre dans aucune des cases habituelles du cinéma ; il marie poésie, merveilleux, questions de société, relations hommes/femmes, monde du spectacle, exploitation de l’enfant, etc.

Si le scénario lui a été proposé par les frères Ron et Russell Mael du groupe pop-rock américain des Sparks, il s’agit bien d’un film de Carax. Chacun a apporté sa contribution à une œuvre noire mais qui enchante par ses trouvailles (le plan-séquence du début, l’enfant du couple Ann et Henry qui est une marionnette, la forêt où Ann se projette derrière le rideau de l’opéra, etc.), la qualité de l’image et, surtout, le son direct.

La recherche de l’image parfaite a poussé Caroline Champetier (image), Erwan Kerzanet (son), Florian Sanson (décors) à réaliser des prouesses et à des innovations en permanence, pour satisfaire les exigences de Carax. Certaines scènes ont nécessité 24 prises.

On navigue de la première à la dernière image entre réel et imaginaire et le charme est amplifié par le jeu d’acteurs formidables, Marion Cotillard, Adam Driver et Simon Helberg. Carax utilise leur ironie pour fustiger le monde du spectacle et son goût de la démesure, l’appétence des médias pour les ‘’people’’ ; Carax se livre sans réserve à une satire cruelle de ce monde-là, qui n’est pas son monde.

Annette est beau, déroutant, et à la sortie on est sous le coup de l’émotion. Je n’avais pas connu un tel état émotif depuis Orphée, le chef d’œuvre de Jean Cocteau. Un poète, comme Carax.

Dans un mode bouleversé, on a bien besoin de retrouver le monde merveilleux de la poésie.