On brûle encore des livres en Pologne ! L’information m’avait échappé parce qu’elle avait échappé aux médias ; et, pourtant, elle est symptomatique d’un obscurantisme persistant au sein de l’Eglise catholique.
Cela est advenu dans une paroisse du nord de la Pologne proche de Gdansk, le 31 mars dernier. Le curé, Rafal Jarosiewicz, avait appelé ses ouailles à apporter des objets porteurs, selon cet illuminé de Dieu, « de forces perverses et diaboliques ». Les paroissiens avaient donc apporté des livres dont la saga d’Harry Potter, le Twilight de Stephenie Meyer, mais aussi une figurine boudhiste, des masques africains, etc.
Très fière de l’initiative de Rafal Jarosiewicz, la fondation catholique SMS z Nieba (qui signifie paraît-il SMS du Ciel) avait publié des photos de l’autodafé sur son compte Facebook.
Le curé obscurantiste a récolté une volée de bois vert de nombreux Polonais ; il s’est donc excusé sur le même compte Facebook : « Le fait de brûler des livres et d’autres objets a été un acte malheureux. Cependant, cet acte n’avait aucunement vocation à pointer du doigt un groupe social, ou une religion. Ce n’était pas non plus un acte de haine contre les livres en tant que tels, ou contre la culture. » Mais il ajoutait aussitôt qu’il rêve d’un monde où « les gens protesteront contre le meurtre d’enfants à naître et réagiront au moins autant que lors de la mise aux flammes de livres magiques ».
S’excuser en proférant une nouvelle provocation (contre l’avortement), le curé persiste dans l’ignominie ! Il est le digne héritier des soldats de Dieu au service d’un catholicisme rétrograde et agressif qui excommuniait et brûlait les infidèles et les impies.
Ce Rafal Jarosiewicz me rappelle ces autres soldats de Dieu qui, le 23 décembre 1951, avaient brûlé le Père Noël, usurpateur et hérétique devant la cathédrale de Dijon et justifié leur geste dans un communiqué aussi ignoble que celui du curé polonais d’aujourd’hui : « Représentants tous les foyers chrétiens de la paroisse désireux de lutter contre le mensonge, 250 enfants, groupés devant la porte principale de la cathédrale de Dijon, ont brûlé le Père Noël. Il ne s’agissait pas d’une attraction, mais d’un geste symbolique. Le Père Noël a été sacrifié en holocauste. À la vérité, le mensonge ne peut éveiller le sentiment religieux chez l’enfant et n’est en aucune façon une méthode d’éducation. Que d’autres disent et écrivent ce qu’ils veulent et fassent du Père Noël le contrepoids du Père Fouettard. Pour nous, chrétiens, la fête de Noël doit rester la fête anniversaire de la naissance du Sauveur. »
Dans un texte célèbre, Dieu comme problème, José Saramago dénonçait ce « Dieu comme prétexte à la haine, Dieu comme agent de discorde ». Le prix Nobel portugais dénonçait aussi bien le Dieu des chrétiens que le Dieu des musulmans et il terminait son appel à la tolérance par des mots qui mériteraient d’être lus par le curé polonais (s’il n’a pas brûlé les œuvres de l’auteur athée) : « Pour ceux qui tuent au nom de Dieu, Dieu n’est pas seulement le juge qui leur donnera l’absolution, il est le père tout-puissant qui, dans leur tête, a rassemblé auparavant le bois pour l’autodafé, et qui prépare et ordonne maintenant de poser la bombe. Discutons cette intervention, résolvons le problème, reconnaissons au moins qu’il existe. Avant que nous ne devenions tous fous. Et alors, qui sait ? C’est peut-être le moyen de ne pas continuer à nous entretuer. »
Ou de brûler des livres !