Le Conseil d’Etat a osé contredire le tribunal administratif de Paris à propos du débat organisé ce jeudi par France 2 sur une question essentielle, le pluralisme.

Le Conseil d’Etat a jugé que les textes en vigueur ne peuvent imposer à France Télévisions « hors période électorale, le respect d’une stricte égalité de traitement entre toutes les personnalités politiques » et que, en conséquence, « il appartient à France Télévisions, dont la politique éditoriale est libre et indépendante, sous le contrôle du CSA, de concevoir et d’organiser des émissions participant au débat démocratique dans le respect d’un traitement équitable de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. »

Pour le Conseil d’Etat, la stricte égalité de temps de parole ne s’appliquera que du 15 avril au 26 mai.

Voilà qui est clair. En dehors des périodes électorales, France Télévisions, service public, peut ne pas respecter le pluralisme et s’abandonner, comme les chaînes privées, à la dictature de l’Audimat.

France 2 avait dénoncé une grave atteinte à la liberté éditoriale et à la liberté de la presse et même l’inénarrable Sonia Devillers qui présente chaque jour L’Edito M à 8h50, puis à 9h40 L’instant M sur France Inter, y était allé de son indignation : « Un média ne serait donc plus maître de ses invités, donc de son contenu éditorial ? »

La spécialiste des médias sur une chaîne publique avait posé une question pertinente : « Comment faire entrer la démocratie dans la télé ? » Bonne question, mais réponse affligeante et consternante d’une journaliste de service public de s’émouvoir d’un jugement rappelant le service public à ses missions.

Il est dommageable pour France Inter que la bonne réponse soit apportée par un enseignant de Sciences Po, Philippe Moreau-Chevrolet : « C’est bien le rôle du service public de donner à voir la palette des nuances politiques. »

Quant à la lourdeur d’un débat à 12, Philippe Moreau-Chevrolet fait remarquer que, avec les débats pour les primaires « les chaînes ont appris à mettre en scène le débat choral » et, avec les chaînes tout info « habitué le téléspectateur à disposer de points de vue variés autour de la table ».

Quant aux positions adoptées par le Conseil d’Etat et le CSA, on se gardera bien de les qualifier, sinon pour condamner des instances volant au secours du libéralisme (qui n’a que faire du pluralisme) et d’une télévision publique qui devrait calquer sa politique éditoriale sur celle des chaînes privées, entre les mains de milliardaires suppôts de l’ultralibéralisme.

Alors, on attend des journalistes du service public un peu plus de décence et, surtout, plus de respect pour le pluralisme et les téléspectateurs.