Photographe, réalisatrice au cinéma et à la télévision, plasticienne, écrivain, Agnès Varda laisse une œuvre immense et particulière.

Au moment de ses obsèques, les hommages ne manquent pas. Mérités. Mais un pan de la personnalité de cette grande dame est quasiment passé sous silence, son engagement. Pour l’avortement, pour toutes les causes féminines et humanistes, et pour la démocratie.

En 1970, elle a connu la censure, bête et méchante qui régnait alors à l’ORTF. Trois ans plus tôt, le service public lui avait passé commande d’un téléfilm. Ce fut Nausicaa, moitié fiction, moitié documentaire qui, à partir de la liaison d’une étudiante française et d’un intellectuel grec, donne la parole à des réfugiés politiques qui ont fui la Grèce après le putsch des colonels le 21 avril 1967 et la dictature. Avec une musique de Mikis Theodorakis. Somptueux.

Agnès Varda avait douloureusement ressenti la tragédie qui se jouait à Athènes, elle dont le père était grec et qui était si démocrate.

Le film (avec le jeune Gérard Depardieu) n’avait pas été terminé et avait disparu de la salle de montage. Agnès Varda avait néanmoins réussi à en sauvegarder une copie confiée à la Cinémathèque de Belgique. Il a fallu néanmoins plus de 40 ans pour le voir au festival Entrevues de Belfort dans une rétrospective ‘’Histoire secrète du cinéma à la télévision française’’.

Le ministre des affaires étrangères, Maurice Schumann, et le ministre de l’économie, Valéry Giscard d’Estaing, du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas (Georges Pompidou étant président de la République), avaient refusé un film qui osait critiquer la dictature des colonels et dénonçait les tortures.

Cet épisode en dit long sur la prétendue ouverture de la ‘’Nouvelle Société’’ de Chaban-Delmas et sur l’amour des arts de Pompidou.

Pourquoi taire aujourd’hui encore un épisode dont Agnès Varda fut la victime ?