L’état de santé d’une démocratie se mesure entre autres à l’état de santé de ses médias. En France, les motifs d’inquiétude sont nombreux et nombreux sont ceux qui déplorent le mauvais traitement de l’information.
La profession de journaliste est secouée par de multiples grèves (au Journal du dimanche, à France Télévisions), et par des climats délétères dans les quotidiens de Bernard Arnault (Les Echos et le Parisien), à Radio France et à France Bleu, etc. Le malaise est patent dans presque toutes les rédactions, où les journalistes souffrent des mêmes maux que les enseignants, les soignants, les greffiers dans les tribunaux, etc., qui se voient imposer des décisions contraires à l’intérêt public et se voient intimer l’ordre de se taire ! Et gare aux rebelles !
Si les conditions de travail dans les rédactions sont contestées, elles sont alimentées par les interventions régulières des hiérarchies sur les contenus, mais aussi par les actes de censures plus ou moins discrètes (parfois directes) pratiquées aussi bien par les directions des médias que par les pouvoirs publics à l’encontre de toutes les paroles contestataires.
Le traitement des mouvements sociaux contre la réforme des retraites n’a pas été un modèle d’information complète, vérifiée et mise en perspective malgré le rejet très majoritaire de la mesure, l’unité syndicale et la multiplication de fortes manifestations ; les événements qui ont suivi la mort de Nahel et l’embrasement des banlieues ont donné lieu à des comptes-rendus identiques à ceux de 2005, c’est-à-dire univoques, avec un traitement factuel ne permettant pas aux citoyens de se faire leur propre opinion. Le parti de l’Ordre a une fois encore imposé sa vision des choses.
La concentration des médias limite le pluralisme des idées et pas seulement dans les médias de Vincent Bolloré. L’audiovisuel public aussi est critiquable. Les grands médias sont ‘’colonisés’’ et leurs personnels sont priés d’obéir et de s’en tenir à une vision du monde définie par les propriétaires-actionnaires.
C’est dans ce contexte qu’aucune rédaction n’a voulu remarquer (et rendre compte) d’un Appel pour la jeunesse populaire qui, excusez du peu, a été signée par dix organisations, la CGT, la FSU, Solidaires, Attac, le MRAP, Coudes à coudes, la Fondation Copernic, la Libre pensée, Mémorial 98 et Droit au logement.
Evidemment, les signataires sont allés plus loin que la dénonciation des violences. Ils ont établi un constat de ce que la jeunesse des banlieues subit au quotidien (racisme, préjugés, discriminations, violences), c’est-à-dire un « climat idéologique d’ensemble qui stigmatise en particulier les musulmans et les musulmanes. »
Après avoir dénoncé « la relégation sociale de la jeunesse populaire (…) résultat de politiques qui ont trop souvent oublié la jeunesse et participé à sa marginalisation » et « les coupures de subvention, et un contrôle de plus en plus renforcé sous prétexte du respect des principes républicains » dont sont victimes les associations, les signataires ont formulé des propositions : besoin de services publics, plan d’investissement pour l’école, les transports, le logement, l’emploi, programmes de prévention et de lutte contre les discriminations dans les établissements scolaires, évaluation et réflexion autour des programmes scolaires, etc.
Les citoyens n’ont rien vu, entendu et lu à propos de cet Appel. Est-ce un hasard quand le pouvoir ne parle que de répression, de fermeté, de confiscation des allocations familiales aux parents de jeunes ‘’émeutiers’’, et joint sa voix aux pires déclarations de Le Pen et Ciotti !
Pour briser ce mur du silence, les citoyens ont besoin d’urgence de médias indépendants des milieux industriels et financiers et de tous les pouvoirs.