L’information a fait la ‘’une’’ de tous les médias : Jean-Pierre Pernaut va arrêter de présenter le journal de 13h de TF1. Avec un océan de commentaires obséquieux et franchouillards. Puis, on s’interrogea pour se demander pourquoi le présentateur inamovible avait précipité son annonce. A 70 ans, n’avait-il pas droit de faire enfin valoir ses droits à la retraite ?

Puis vint la question essentielle du moment : qui pour le remplacer ?

Parce que, aujourd’hui, le présentateur est plus important que l’information, son choix est essentiel.

Et ce fut une surprise : ce sera Marie-Sophie Lacarrau, transfuge du journal de 13h de France 2, qui, modernité oblige, s’est fendue d’un Tweet convenu :

« Quel honneur de rejoindre la rédaction de TF1 et de succéder à Jean-Pierre Pernaut ! Merci à Gilles Pelisson et à Thierry Thuillier pour leur confiance. J’ai hâte ! Merci aussi à la rédaction de France 2 et à France Télévisions pour ces très belles années. Je n’oublierai rien ! »

Lequel Thierry Thuillier s’est empressé d’affirmer que la remplaçante « incarnera le changement dans la continuité dans cette nouvelle page que la rédaction de TF1 s’apprête à écrire » ou encore « Je lui fais confiance pour continuer à développer le lien unique de ce rendez-vous avec le public, avec le professionnalisme qu’on lui connaît et sa personnalité chaleureuse.»

Un étudiant (aujourd’hui enseignant), Michel Le Guenic, avait disséqué le journal de 13 heures de TF1 en visionnant toutes les éditions pendant vingt-six semaines de juillet 2000 à janvier 2001 ; il en a tiré un livre dont le titre résume toute la philosophie du journaliste : ‘’Nos régions selon Jean-Pierre Pernaut, Pétainisme ou pittoresque ?’’ Télérama vient de nous rappeler opportunément ses conclusions :

« Michel Le Guenic conclut que, du 13 heures de TF1, suinte certes un ‘’national-traditionalisme’’ mais surtout que ce JT-là ‘’s’est arrêté avant la révolution industrielle’’ ! Et l’étudiant en histoire, spécialiste de la IIIe République, d’affirmer, exemples à l’appui, que ‘’le présentateur nous renvoie bien plus de cent ans en arrière, au moment de l’apogée de la culture paysanne’’. »

Bref, le journal de Jean-Pierre Pernaut est conservateur et réactionnaire, fustigeant les grèves et tous les mouvements sociaux. Sa conception de l’information relève de la mise en condition des masses laborieuses pour que rien ne change et pour que le groupe Bouygues puisse continuer à répartir des dividendes.

Marie-Sophie Lacarrau incarnera donc le changement dans la continuité, comme le dit Thierry Thuillier. Le journal de France 2 qu’elle présentait était exécrable et tombait dans les mêmes travers d’une information favorisant l’aseptisation des téléspectateurs sur un ton pleurnichard ; elle avait plus que de la proximité avec la conception de celui qu’elle va remplacer. Ce qui n’est pas à l’honneur du service public.

On pourra se consoler en se disant qu’on ne la verra plus sur France Télévisions. Mais, alors, qui, pour la remplacer ? Delphine Ernotte osera-t-elle prendre le contrepied de TF1 et proposer un journal intelligent, informant complètement les citoyens, traitant des informations essentielles plutôt que des faits divers sans recul, sans complaisance pour ceux qui gouvernent ?

A TF1, Marie-Sophie Lacarrau remplace Jean-Pierre Pernaut pour que rien ne change ; et à France 2, service public, se souciera-t-on plus de l’information et du citoyen que du casting ?