Chris Bickerton, professeur de politique européenne à l’université anglaise de Cambridge, a publié une tribune dansle New York Timesdu 7 septembre 2017 sous le titre« Emmanuel Macron sera un autre président raté ». Elle dresse un portrait au vitriol du nouveau président de la République. 

Je viens de la relire, avec du recul, pour en mesurer toute la portée et toute la saveur. Avec le recul, donc, et après les déclarations assassines du « président raté » sur la SNCF et les réformes du code du travail, on peut mesurer la clairvoyance de Chris Bickerton.

La longueur est inhabituelle pour ce genre tribune consacrée à un dirigeant étranger dans le NYT(on peut se reporter à l’original sur le site du journal). J’ai voulu conserver les phrases les plus éclairantes sur la personnalité d’Emmanuel Macron vue hors de France et, en définitive, j’ai gardé quasiment l’entièreté du beau texte de Chris Bickerton. Il se lit avec une telle délectation…

« Le président Emmanuel Macron est la jeune tête d’affiche du libéralisme. Considéré comme une réponse à la vague populiste, il a refait parler de la diplomatie française en tenant tête au Président Trump et à Vladimir Poutine de la Russie. « La méthode Macron », comme l’a appelé un Think Tank européen, est la Troisième Voie entre la technocratie et le populisme (…) Chez lui en France, c’est une histoire différente. Un récent sondage a révélé que M. Macron a perdu 14 points en août, après une chute de 10 points en juillet. Seules 40% des personnes interrogées se disent satisfaites des performances du président. Pour être franc, Macron n’a jamais obtenu un soutien populaire pour débuter son mandat (…) L’arithmétique électorale est très claire là-dessus. La popularité de Macron souffre de quelque chose de plus fondamental : le Macronisme. Tout son projet politique a été très orienté vers sa personnalité. Tout son charme vient de sa jeunesse, de son dynamisme, de son look stylé et de ses compétences (…) Cette approche hyper-personnalisée a toujours fait courir le risque que son charme disparaisse un jour et alors ses sympathisants n’auraient plus rien à apprécier chez lui. C’est exactement ce qui est en train de se produire. Depuis son investiture, M. Macron a découragé beaucoup de personnes en essayant de recentrer la grandeur de la présidence (…) Dans une phrase qui pourrait le poursuivre pour le reste de sa vie, il avait déclaré qu’il voulait rendre la présidence « Jupitérienne », en se comparant avec le puissant dieu Romain, Jupiter, Seigneur des cieux. Lorsqu’il a rassemblé les Sénateurs et les Parlementaires au Palais de Versailles et leur a parlé de ses ambitions, en France, beaucoup avaient dénoncé un ton monarchique (…) Cette attitude arrogante par rapport au pouvoir a détruit l’anti-establishment, cette image de parvenu que Macron avait cultivée durant sa campagne. La plateforme post-idéologique sur laquelle il a fait campagne commence à montrer son vrai visage : un vide au cœur d’un projet politique (…) Le nouveau président dit qu’il est déterminé à faire de la France « une nation start-up », en empruntant le langage insipide de la Silicon Valley. Ceci lui a donné le soutien des entrepreneurs capitalistes et des milliardaires qui investissent dans la technologie, mais il est loin de convaincre le grand public français. Le contrat social libertaire de la Silicon Valley, avec son attitude cavalière envers l’injustice, ne passe pas chez une population française élevée dans les traditions socio-démocrates d’après-guerre. Son objectif principal est de réduire le chômage en France qui reste élevé, autour de 10%. Il espère faire cela en réformant le code du travail (…) Une de ses nouvelles mesures est de limiter le recours, devant la justice, des employés licenciés. Une décision qui a pour but de donner aux employeurs plus de confiance pour embaucher. Une autre de ses mesures est de permettre aux entreprises ayant moins de 50 employés de négocier les contrats sans passer par les syndicats. L’extrême gauche française appelle cela « un coup d’Etat », mais le président a été prudent en ne cédant pas face au lobby financier. Aujourd’hui, les choix impliquent des « compromis » douloureux. Les politiques économiques de M. Macron favorisent les employeurs au détriment des employés et taillent sur le peu qui reste à l’Etat-providence français. Mais, craignant donner à son programme un quelconque contenu politique, le président emballe les réformes dans le drapeau européen. Le succès de M. Macron lors des élections présidentielles de juin dernier a agité le paysage politique moribond d’une manière profonde et durable. Pour cela, il mérite des remerciements. Mais, en tant que projet politique, le Macronisme n’est pas plus qu’une rhétorique et un orgueil démesuré, soutenus par des politiques néolibérales conventionnelles. Pour le moment, M. Macron est encore le chouchou de l’élite libérale mondiale, mais son impopularité grandissante nous donne une meilleure image de ce qu’il a à offrir. »

Je ne partage pas nécessairement tous les arguments de cette diatribe d’un observateur extérieur. Mais, oui, le Macronisme est bien une imposture, enrobée dans le drapeau européen, et un orgueil démesuré. Un vide, comme le prétend Chris Bickerton ? Sûrement pas, mais un projet assassin pour le modèle social français.

L’orgueil, l’arrogance, le langage insipide, comme il est relevé par Chris Bickerton, ne sont que les façades fragiles du personnage Macron ; il est salutaire de dévoiler sa véritable nature pour mieux combattre un projet politique tournant le dos à l’intérêt général et favorisant les nantis.