La chaîne W9 (du groupe M6 et bientôt TF1) avait programmé une nouvelle rediffusion d’un film de Georges Lautner, Le Pacha. Un film policier qui vaut surtout par les dialogues de Michel Audiard, plus que par la prestation de Jean Gabin.

On peut se demander si les programmateurs du groupe avaient prémédité le choix d’un film qui a une résonnance particulière dans la situation d’aujourd’hui et qui avait eu des démêlés avec les censeurs du gouvernement de Georges Pompidou à sa sortie en 1968, à savoir le ministre de l’intérieur, Christian Fouchet, son secrétaire d’Etat, André Bord, et le ministre de l’information, Goerges Gorse.

Il était reproché à Lautner d’avoir montré des violences policières. Jean Gabin en commissaire divisionnaire n’hésitant pas à tabasser très violemment et gratuitement un patron de bar d’origine nord-africaine et à faire vider les clients par ses subordonnés sans ménagement. Lautner avait dû revoir son montage et supprimer plusieurs coups de Gabin.

En revanche, il avait réussi à sauver une réplique éclairante de Gabin au directeur de la police (Louis Seigner) : « Moi, les peaux-rouges, je vais plus les envoyer devant les jurés de la Seine. Plus de non-lieu, ni de remise de peine : je vais organiser la Saint-Barthélémy du mitan. » Il faut entendre dans les dialogues d’Audiard : je vais organiser l’affrontement entre gangs du grand banditisme qui finiront par se tuer entre eux ; ainsi le milieu (le mitan en occitan) sera éradiqué. La justice était déjà la cible des flics !

Son stratagème réussira et il tuera lui-même le chef de gang (André Pousse) plutôt que de l’interpeller ! A la grande surprise d’un simple flic qui s’en était étonné.

Toute ressemblance avec la situation actuelle est forcément fortuite, Lautner et Audiard n’avaient pas de don divinatoire. Tout rappel des violences policières, notamment envers les immigrés, est lui aussi fortuit. Mais les deux sont bienvenus : le comportement de la police est de tous les temps.

Une chanson de Serge Gainsbourg, présente dans le film et qui avait pour titre Requiem pour un con, avaitégalementété interdite à la radio. On lui reprochait sa violence !

Le truculent Audiard avait inséré dans ses dialogues une phrase devenue culte prononcée par Gabin, adressée à un subordonné : « Je pense que quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner. » La formule est belle ; elle peut resservir aujourd’hui, en pensant à beaucoup de personnes et même à des ministres.