« Le 5 avril dernier, alors qu’aucune étude thérapeutique n’avait encore eu le temps d’aboutir, Le Parisien publiait les résultats d’un sondage abracadabrantesque. A la question : « D’après vous, tel médicament est-il efficace contre le coronavirus ? », 59 % des personnes interrogées répondaient oui, 20 % non. Seuls 21 % des sondés déclaraient qu’ils ne savaient pas. L’immense majorité (80 %) affirmait don savoir ce que personne ne savait encore… »

Ce sondage (mais aussi le défilé des prétendus experts sur les plateaux de télévision) a énervé Etienne Klein. L’homme est un scientifique de haut niveau, directeur de recherche au CEA, et philosophe ; il est très médiatique : producteur de l’émission La conversation scientifique (France Culture), il intervient régulièrement dans Philosophie Magazine, Le Point ou Pour la Science et il est l’auteur d’une quarantaine d‘ouvrages. L’homme est brillant (trop peut-être) et dispersé ; est-ce cela qui lui a valu d’être accusé de plagiat six mois après son élection à la présidence de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie ?

Le coronavirus et son traitement dans médias l’ont donc incité à publier un essai dans la collection Tracts (n° 17) de Gallimard, Le goût du vrai, dans lequel, prenant de la hauteur et du recul, il s’interroge sur les vérités scientifiques, sur leur relativité, mais aussi et surtout sur le narcissisme contemporain, l’idée de progrès supplantée par le terme d’innovation, sur la société qui secrète des croyances et des préjugés, sur le simplisme, sur le contexte des vérités scientifiques. Bref, c’est foisonnant de réflexions importantes, le tout en moins de 60 pages.

Etienne Klein apporte des éléments de débats pour mieux comprendre ce qui s’est passé pendant la pandémie du coronavirus.

Il prétend que, si, dans le sillage de Galilée et Descartes, « l’homme s’est progressivement autonomisé par rapport à l’univers qui l’entoure, jusqu’à se considérer, René Descartes aidant, comme un être d’antinature », « la pandémie de Covid-19 nous a montré que la nature conserve un pouvoir sur nous, un pouvoir impossible à contourner. »

Il nous appelle, en conclusion, à refonder l’idée de rationalité, « car tel est le paradoxe de l’être humain : s’il est le seul capable, par la science, de découvrir les lois dites ‘’de la nature’’, il n’en est pas pour autant un être d’antinature ».

L’essai est brillant ; l’appel urgent à entendre.