France 2 a ressuscité Le Grand Echiquier hier soir. La télévision d’aujourd’hui va donc chercher son inspiration dans les archives de l’ORTF.
L’émission présentée par un vieux cabot, Jacques Chancel, avait été créée en 1972 ; la télévision était encore un service public (que Giscard d’Estaing démantela en 1974 en 7 sociétés pour mieux les privatiser ensuite). C’était encore l’époque de ‘’5 colonnes à la une’’, des dramatiques et des grandes émissions de réalisateurs prestigieux de la fameuse ‘’école des Buttes-Chaumont’’ (presque tous communistes), mais aussi de l’information encadrée et verrouillée par le ministère de l’intérieur.
Le Grand Echiquier de Jacques Chancel n’était que le dernier avatar de cette télévision qui voulait informer, distraire et éduquer un public qu’elle respectait. L’émission a connu des moments de grâce, même si son présentateur avait déjà tendance à vouloir damer la vedette à ses invités.
Avec Le Grand Echiquier, la télévision des années Giscard tentait de se donner un vernis culturel. L’émission dura 17 ans (jusqu’en 1989) et les plus âgés en gardent un souvenir ému en ne retenant que les grands moments. Et il y en eut.
La télévision d’aujourd’hui n’a plus les mêmes ressorts ; elle vend du temps de cerveau disponible à Coca-Cola et autres multinationales. Les animateurs sont les vedettes des émissions et les invités des faire-valoir, car la télévision d’aujourd’hui doit être d’abord un divertissement (on parle d’entertainment) qui répond aux demandes du public ; elle ne cherche plus à rendre le téléspectateur plus intelligent et mieux informé.
Le service public singe les chaînes privées et tente, souvent maladroitement, de les suivre dans la course à l’Audimat. Elle ne produit plus ; elle s’est abandonnée aux sociétés de production privées, grâce aux décrets de Mme Tasca, ministre socialiste.
Le Grand Echiquier ne déroge pas à cette mode et c’est l’associé de Matthieu Pigasse et Xavier Niel dans le fonds d’investissement Mediawan qui a produit l’émission d’hier soir avec sa société Troisième Œil Productions.
Anne-Sophie Lapix, très éloignée des invités, a éprouvé des difficultés à entrer dans la peau de Chancel et l’émission n’a pas connu de moments de grâce comme on pouvait l’espérer. Les invités (Daniel Auteuil, Aurélie Dupont, Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak) étaient certes prestigieux mais sans jamais donner l’impression de vouloir communier avec le public.
Le Grand Echiquier 2018, donc, n’est pas scandaleux ; il réconcilie plutôt avec une chaîne qui avait fait de Patrick Sébastien, Stéphane Bern et Laurent Ruquier ses animateurs emblématiques. Mais on est encore loin d’une grande télévision de service public capable de fédérer un large public autour de la culture qui permet de grandir.