Eric Gardner de Beville m’était inconnu jusqu’à hier ; le Cercle Montesquieu, un groupement de dirigeants juridiques d’entreprises, tout autant.
La lecture d’une tribune du premier nommé, présenté comme un membre du second, sur le Cercle des Echos, m’a sidéré.
Déjà, le titre m’a stupéfait : « Le pouvoir d’achat n’est pas un droit ».Tout un programme qui laissait entrevoir ce que la tribune contenait.
Pour Eric Gardner de Beville, qu’on sent nerveux : « Le sentiment de perte de pouvoir d’achat est l’un des sujets à l’origine de la tempête sociale qui traverse aujourd’hui notre pays. Les ‘’gilets jaunes’’ en réclament davantage. » La perte de pouvoir d’achat ne serait donc qu’un sentiment, flou et sans réalité ?
Pour ce docte dirigeant, le pouvoir d’achat n’est pas un droit. Et, pour donner consistance à sa démonstration, il n’hésite pas à invoquer la Déclaration française des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « Il précise que les hommes et les femmes ‘’naissent et demeurent libres et égaux en droits’’ et ajoute que les ‘’droits naturels et imprescriptibles’’ sont la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression. Le texte ne mentionne pas le pouvoir d’achat. »
On mesure la profondeur de l’argument !
Et notre ‘’historien’’ de la Révolution d’enfoncer le clou : « Le pouvoir d’achat ne doit pas être un droit. Cela supposerait qu’il y ait un minimum auquel toute personne aurait droit (…) Or cela n’est pas un droit dans notre système politique démocratique. Nous ne visons pas dans un kibboutz. »
« La propagation ces dernières années de l’idée d’un droit de pouvoir d’achat en France est le fruit d’une dérive progressive de la valeur du travail. Ce n’est plus le travail qui permet d’avoir un pouvoir d’achat, mais c’est au gouvernement de le garantir. Or qui dit gouvernement, dit contribuable, ce qui veut donc dire que c’est aux contribuables de garantir un pouvoir d’achat à ceux qui n’en ont pas ou qui considèrent qu’ils n’en ont pas assez. C’est donc à ceux qui travaillent de garantir un pouvoir d’achat à ceux qui ne travaillent pas ou pas assez. Cela supposerait une nouvelle charge, une nouvelle taxe ou un nouvel impôt. Or, c’est aller à l’encontre de ce que demandent les ‘’gilets jaunes’’ qui luttent contre l’excès de taxes et impôts. »
Imparable pour ce disciple de Montesquieu, l’un des précurseurs des Lumières !
Faut-il ajouter qu’Eric Gardner de Beville a servi le groupe pharmaceutique Servier (au service juridique international), la multinationale Coca-Cola (pendant 12 ans), puis fondé un cabinet de conseil HR Consulting Group. Que des entreprises socialement responsables et progressistes.
Eric Gardner de Beville me fait subitement penser à Alexandre de Juniac, qui, en 2015, alors qu‘il était président d’Air France, s’était livré à une attaque en règle contre les acquis sociaux auxquels il fallait « mettre des limites » déclenchant des tonnerres d’applaudissements dans la vénérable abbaye de Royaumont où le gratin des patrons tenait une réunion privée. Celui qui fustige le droit au pouvoir d’achat est son exact sosie. Leur morgue, à l’un comme à l’autre, vient de loin et plonge ses racines dans l’exécration de la Révolution, dans la haine du peuple, dans le refus des syndicats.
Leur classe est toujours contre le peuple.