Il y a des personnes pour qui traverser la rue est plus simple que pour d’autres. De l’autre côté, ces personnes ont toujours un ami accueillant pour leur fournir un poste à la hauteur de leur talent plus supposé que réel. Notamment dans la finance. Cela vaut pour des rues, disons bourgeoises, où on cultive l’entre soi, où on n’hésite pas à cracher sur le bas peuple et sur les gilets jaunes, sur les manants, fainéants et incultes, en riant et en sa tapant sur le ventre.

Je veux évoquer le cas d’une personne brillante qui arpente les rues du XVIe arrondissement plutôt que celles du XXe. Bernard Mourad, c’est de lui qu’il s’agit, n’est pas célèbre, mais il n’est pas inconnu. Jeune encore (43 ans) et brillant dit-on dans l’entourage des banquiers, il avait passé quinze années dans la banque américaine Morgan Stanley, l’un de ces établissements qui n’avaient pas vu venir la crise de 2008, et qui préfère faire ruisseler d’énormes paquets de dollars dans l’informatique, l’immobilier, les télécommunications ou les entreprises à fort rendement plutôt que d’investir dans des activités permettant de réduire la fracture sociale.

Bernard Mourad, donc, a traversé la rue à plusieurs reprises et toujours avec succès, certain d’être toujours accueilli les bras grands ouverts. Il est d’abord entré chez SFR pour devenir responsable du développement d’Altice Media International. Bref, il était l’un des plus proches collaborateurs de Patrick Drahi, dont on connaît la réussite insolente avec 50 milliards de dettes.

Bernard Mourad a, une fois encore, traversé la rue pour entrer chez l’ex-banquier Emmanuel Macron, dont il devient en 2016 le conseiller spécial. Très spécial, car c’est lui qui était chargé des relations avec le monde des grosses entreprises, celles qui ont financé la campagne du fondateur du mouvement « En Marche ! ».

On vient d’apprendre qu’il a encore traversé la rue pour revenir à ses premières activités, celles de banquier d’affaires. Il vient d’être nommé responsable de l’activité Corporate & Investment Banking de la filiale de Bank of America Merill Lynch (BofAML).

Comme quoi, pour les amis de Macron, banques, grandes entreprises et mouvements politiques libéraux sont solidement intriqués.

Le nouveau monde n’a rien inventé.