Le Corniaud, La Grande vadrouille, Les Tontons flingueurs, on ne compte plus le nombre de leurs rediffusions sur les différentes chaînes de télévision. Obnubilés par l’Audimat, les programmateurs tombent dans la facilité et s’assurent une confortable ‘’part de marché’’, quand d’excellents films ne sont jamais diffusés. Ainsi va la (pauvre) télévision soumise à la course à l’audience.

On a donc vu Les tontons flingueurs et sa désopilante scène de beuverie une nouvelle fois hier soir sur France 2. Le film de Georges Lautner doit beaucoup aux acteurs (Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, entre autres) et aux dialogues de Michel Audiard, au meilleur de sa forme. Confessons-le, la parodie du film policier est digne d’une certaine idée du cinéma français.

Sa sortie en 1963 avait été boudée par le public (qui s’est bien rattrapé depuis en assurant son succès à la télévision !) et par les Cahiers du cinéma. Jacques Doniol-Valcroze, Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Jacques Rivette en étaient encore les principaux collaborateurs et dédaignaient le cinéma de Lautner (et de bien d’autres). Les réalisateurs de la Nouvelle vague avait un talent fou ; ils ont dépoussiéré le cinéma, mais, diable, qu’ils étaient sectaires !

Néanmoins, dans le numéro 152 des Cahiers à la couverture jaune, ils n’avaient pas eu de mots trop durs pour les Tontons flingueurs, même s’ils ne lui avaient consacré que deux lignes dans la rubrique ‘’Films sortis à Paris du 27 novembre 1963 au 7 janvier 1964’’, à la fin de la revue :

« Sympathique mise en boîte de films pantouflards enfilés en série par Gabin (Audiard s’est défoulé…). Travail rôdé, acteurs au poil, mais Lautner abuse du ton parodique mis au point depuis Le Monocle. Des éclairs de méchanceté bien venus indiquent, peut-être, sa vraie voie. »

On a connu Les Cahiers plus méchants et plus caustiques ; dans le même numéro, ils n’ont, par exemple, que mépris pour La Cuisine au beurre de Gilles Grangier :

« Dans la tradition du chef : le ménage à trois, sauce Pagnol. Mais le beurre est rance. »

Le public, lui, a fini par faire un triomphe aux Tontons flingueurs. Au fond, il a bien raison. Ce n’est pas du mauvais cinéma ; les acteurs sont épatants, les dialogues hilarants et on passe un bon moment devant son petit écran.

On aimerait que les chaînes fassent preuve de plus d’audace dans le choix des films, même si les Tontons flinguent toujours.