Mais qu’arrive-t-il aux journalistes économiques ? Seraient-ils devenus lucides ? Ou tout simplement démocrates ?

Il faut se pincer pour lire le billet hebdomadaire de Philippe Mabille, le directeur de la rédaction de La Tribune, l’autre quotidien économique (celui que Bernard Arnault avait vendu pour racheter Les Echos, plus prestigieux). Sous le titre iconoclaste, ‘’Les Français ont bien envie « d’emmerder » Emmanuel Macron’’ (sic), il se livre à une analyse étonnante à la veille du second tout des élections législatives. Dans son texte, on ressent comme une certaine jubilation et une attente fébrile, mais non feinte, d’un changement.

Philippe Mabille adopte une ligne beaucoup plus réaliste que la plupart des éditorialistes qui font preuve d’une aversion profonde pour le peuple de gauche. Rien de ça chez Mabille ; tout le contraire de ses confrères et ses consoeurs dont la mauvaise foi envers la gauche et la NUPES est devenue tellement intolérable à force d’être insultante. Quel contraste avec Les Echos, où Cécile Cornudet se demande : « les électeurs vont-ils ‘’brider’’ le chef de l’Etat » en agitant le spectre d’un « choc fiscal inédit » en cas de défaite de son président préféré (c’est-à-dire celui de son patron, le milliardaire Bernard Arnault.

Lire Philippe Mabile peut-il aider à dessiller les yeux de certains électeurs ; on peut l’espérer vivement :

« Juste retour à l’envoyeur ? Comme par un effet boomerang, les Français, après l’avoir réélu en avril, dans un vote « républicain » de barrage à l’entrée à l’Elysée de la candidate de l’extrême droite (pour la troisième fois après 2002 et 2017), s’apprêteraient à ne pas donner, pour la première fois depuis Mitterrand en 1988, de majorité absolue au président réélu. Coup de grisou de l’histoire avec un grand «H », 61% des électeurs rêveraient que cela se concrétise ce dimanche, selon un sondage IPSOS-Sopra Steria pour plusieurs médias. Ce n’est pas encore certain, la majorité présidentielle Ensemble peut encore obtenir plus de 289 sièges ; mais cela reste une forte probabilité au vu des résultats du premier tour et cela provoque une panique certaine en Macronie où aucun scénario n’est écarté. Même celui d’une victoire sur le fil de l’opposition, avec la Nupes et Mélenchon à Matignon. »

Plus loin dans son billet, Philippe Mabille, par une subtile clause style, met sa pensée profonde dans la bouche des Français : 

« Après tout, le peuple français est tout simplement en train de mettre en pratique ce qu’Emmanuel Macron a lui-même reconnu lors de sa seconde investiture : « un peuple nouveau, un président nouveau pour un mandat nouveau ». Même si ce n’est pas son ADN, que ce président « nouveau » doive apprendre à négocier des compromis de projet et d’idées avec un parlement moins à sa botte n’est pas pour déplaire à des Français agacés par la verticalité de JupiterLa crise politique que nous vivons vient probablement de là, de ce déséquilibre entre le présidentialisme monarchiste à la française et le parlementarisme à l’anglaise ou à l’allemande. »

Dans l’attente des résultats, dimanche, Philippe Mabille fait le constat que, décidément, Emmanuel Macron effraie beaucoup de monde, y compris les milieux économiques, apeurés de devoir affronter la dure réalité des revendications du peuple en cas de déroute de la prétendue République en marche.