Rosa Bonheur a connu la gloire au XIXe siècle qui l’a consacrée peintre animalier. Son château de By à Thomery (Seine-et-Marne) a été récemment vendu pour être transformé en chambres d’hôtes, mais son musée a rouvert lui aussi et sera préservé.

Il est émouvant de pénétrer dans son intimité. Rien n’a bougé de place depuis sa mort, ni sa palette, ni ses études, ni ses animaux naturalisés. Ni sa légion d’honneur, remise par l’impératrice Eugénie, l’épouse de Louis-Napoléon Bonaparte, celui que Victor Hugo surnommait Napoléon le petit.

On y imagine aisément l’acte de création d’un peintre réaliste du monde animal dans un lieu habité par sa mémoire, mais ses toiles révèlent aussi une réflexion sur la vie et le travail des champs ; cependant son tableau le plus célèbre, le Labourage nivernais, ne met pas en avant le travail des hommes, le bouvier et le piqueur, mais plutôt celui des bœufs. Rosa Bonheur a cultivé les paradoxes. 

Y compris et surtout au-delà de la peinture ; féministe, elle a vécu entourée de femmes, sans dire si elle était homosexuelle ou pas. Elle a réussi à obtenir une autorisation de travestissement pour pouvoir porter le pantalon. Elle a été adulée et a fait fortune, sans rien refuser des honneurs qui lui étaient faits.

Elle a même accepté de recevoir la légion d’honneur des mains de l’impératrice ; peut-être a-t-elle vu dans ce geste un nouveau pied de nez aux règles alors en vigueur. En effet, l’impératrice a profité d’un voyage de son mari pour la lui remettre, bafouant elle aussi le protocole.

Rosa Bonheur l’anticonformiste a tourné ostensiblement le dos au modernisme pour privilégier l’académisme. Autre paradoxe d’une néanmoins grande artiste.