Patrick Drahi séduit encore quelques boursicoteurs et quelques journalistes ; on se demande comment et pourquoi. Mais, le cercle des admirateurs s’est restreint. L’homme d’affaires n’impressionne notamment plus les journalistes de L’Express (dont il a fait cadeau à Alain Weill), de Libération (qu’il est faux de dire qu’il l’a sauvé), de ses sites ou de ses chaînes de télévision dédiées au sport, dont un certain nombre d’entre eux vont devoir aller s’inscrire à Pôle Emploi.

Patrick Drahi vient de faire annoncer par visioconférence un « plan de reconquête post-Covid qui aura un impact sur les effectifs » au sein de la filiale NextRadioTV, alors qu’Altice Europe a annoncé un chiffre d’affaires en hausse de 3,6 milliards au cours du premier trimestre et de 3,6 % en France. L’impact sera néanmoins sévère : la moitié des pigistes et des intermittents sacrifiés et, pour les permanents, un appel lancé aux volontaires ; si ces derniers ne sont pas assez nombreux, des licenciements seront envisagés.

Drahi avait l’ambition de constituer un grand groupe de médias pour fournir des contenus à ses abonnés à SFR. Sa stratégie de convergence des contenants et des contenus est un échec. Comme d’autres avant lui, il s’est lourdement trompé.

Sans doute se croyait-il plus intelligent !

Ses bailleurs de fonds lui ont permis de s’endetter à hauteur de 50 milliards d’euros (31,2 pour la seule branche Altice Europe au 31 mars) puis n’ont pas hésité à lui autoriser de nouvelles lignes de crédits pour obtenir les droits de retransmission de quelques compétitions sportives à des prix exorbitants.

Aujourd’hui, ces mêmes bailleurs de fonds demandent des remboursements et les investisseurs des retours sur investissement. Les salariés, eux, paient cash erreurs de stratégie et gouffre financier et les dirigeants s’en vont voir ailleurs, pendant que Drahi reste fermement aux commandes du groupe Altice.

Ses erreurs devraient être sanctionnées ; elles sont saluées par la Bourse où l’action du groupe a bondi de près de 15 % après les annonces du plan de reconquête !

Beauté du monde libéral !

La convergence n’est pourtant pas la seule erreur stratégique de Drahi ; le lancement de cinq chaînes sportives était voué à l’échec. Les chaînes de ‘’niche’’ (comme on parle de magazines de ‘’niche’’) n’ont jamais réussi à s’imposer dans le paysage audiovisuel. Drahi, le suffisant, s’est entêté et les salariés trinquent.

Altice est une suite d’échecs qui ont amené son fondateur à revendre en quelques années ses pylônes, quelques filiales à l’étranger, ses magazines, son quotidien, ses chaînes de télévision sportives ; il a également stoppé les activités d’Altice Studio, sa filiale de cinéma et cherche à vendre Teads, sa filiale de publicité. Au total, il a plus licencié plus de salariés qu’il n’en a embauché.

Le dépeçage en dit long sur les capacités de ceux qui sont présentés comme de grands industriels et de grands stratèges.

Pourtant, pour eux, les lignes de crédit sont sans fin…