Simon Abkarian vient de remporter trois Molières pour le spectacle (c’est ainsi qu’il définit sa pièce) Electre des bas-fonds dont il est l’auteur, le metteur en scène et l’un des acteurs. Le tout avec un brio époustouflant.

Enfin ! L’immense talent de ce fils d’immigré arménien est enfin largement reconnu ; pourtant Simon Abkarian n’est pas un inconnu avec une déjà longue carrière derrière lui (une soixantaine de films, 18 téléfilms, 36 rôles au théâtre, plus d’une dizaine de mises en scène dont six pièces de sa plume) et un Molière du meilleur comédien en 2001.

Voilà qui devrait suffire à faire reconnaître son talent.

Electre des bas-fonds a été unanimement saluée ; son couronnement est mérité.

Ce spectacle où Simon Abkarian mêle avec un bonheur inouï théâtre avec chœur, danse, musique de blues rock du jeune trio Howlin’ Jaws, a pourtant vu le jour avec trois bouts de ficelle, grâce à Ariane Mnouchkine qui a prêté une salle et tout l’équipement de son Théâtre du Soleil, mais sans une thune au départ, seulement avec l’enthousiasme de comédiens motivés et conquis par le projet.

Simon Abkarian confesse que les comédiens ont répété un spectacle exigeant pendant deux mois sans être payés et qu’il a encaissé le montant de la billetterie, sans reverser un centime à son hôte, pour pouvoir verser un cachet à tous.

La grande fraternité des gens du (vrai) théâtre a permis une création originale et intelligente. Revenant aux sources du théâtre antique, avec des accents d’aujourd’hui.

Bref, un moment rare.

Le triomphe de Simon Abkarian vient prouver qu’il y a un public pour un théâtre exigeant, faisant appel autant à l’émotion artistique qu’à l’intelligence, mais, en même temps, il met un peu plus au jour le scandale du budget de la culture et le peu de place laissée aux vrais créateurs.

La tournée annoncée de cette Electre des bas-fonds l’hiver prochain doit permettre d’asseoir vraiment la réputation de Simon Abkarian et de sa troupe, pour enfin lui donner accès aux financements que son esprit créateur mérite.

Quant au budget de la culture, c’est encore un autre combat à mener.