Regardons les choses en face ; ne détournons plus les regards : l’Europe est en crise (ce qui se déroule en ce moment à Bruxelles est un sommet de ridicule), la France est en crise (le Parlement siège au mois de juillet pour voter de nouvelles lois antisociales qu’on voudrait cacher).

Le discours est bien apprêté, lisse et répété à l’envi sur toutes les chaînes de télévision, à la radio et dans quasiment tous les quotidiens : c’est la crise et, pour en venir à bout, il faut ré-for-mer. Soyons rassurés, le président vertical Macron est aux manettes et s’occupe de tout. Tous les ministres n’étaient-ils pas mobilisés pour lutter contre la canicule (à défaut d’être mobilisés contre les effets d’un capitalisme fou qui provoque des catastrophes chaque jour plus visibles de dérèglement climatique) ? Rien à voir avec l’économie ? Un peu quand même, mais quand il faut détourner l’attention, une bonne canicule, il n’y a rien de mieux.

Alors, la crise ?

On y revient en apprenant que 8,8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté et que la précarisation des séniors s’étend inexorablement, comme en Suède.

Nous aurions donc toutes les raisons de sombrer dans un océan de pessimisme et de ne plus regarder les choses en face pour nous ranger dans la catégorie des désabusés et des abstentionnistes.

L’agence américaine Bloomberg vient heureusement dévoiler une information qui devrait nous combler de joie et nous redonner une bonne dose d’optimisme : selon elle, en effet, la richesse cumulée par les 14 citoyens français les plus riches a progressé de 78 milliards de dollars, soit 68,8 milliards d’euros (+35%) au premier semestre 2019. Alléluia !

Bloomberg précise que la progression de la richesse des milliardaires français progresse plus vite que celle de leurs homologues d’autres pays. L’accroissement de la fortune des riches n’a progressé que de 33 % en Thaïlande, 31 % à Singapour, 24 % au Japon et au Danemark et, pauvres chinois, de 17 % seulement en Chine. Ah, ces riches Français sont vraiment de grands stratèges du capitalisme ; ils savent gagner de l’argent, beaucoup. La start-up nation fonctionne…

Bloomberg n’omet pas de préciser encore que 53 milliards de dollars (sur les 78) ont été amassés par trois milliardaires seulement, à savoir Bernard Arnault (LVMH), François Pinault (Artémis et Kering) et Françoise Bettencourt-Meyers (L’Oréal). Ils ont quand même laissé 23 milliards de dollars aux 11 autres milliardaires !

Bon, à y regarder de près, le ruissellement tant promis tarde à venir, mais Macron va y remédier et, juré, craché, demain, grâce à ses réformes, nous connaîtrons enfin des jours heureux.

Mais, pour l’heure, retraités, chômeurs, cadres, étudiants doivent apprendre à patienter : il y a encore tellement de ré-for-mes à entreprendre… N’accablons pas les milliardaires.

Si, entre 2010 et 2018, les dividendes des entreprises du CAC 40 ont progressé de 44 % et les emplois salariés ont chuté de 20 %, c’est pour la croissance de demain et le bonheur d’après-demain.

Macron est décidément le président des riches, des ultra-riches, des premiers de cordées, élus du capitalisme. Mais n’allons quand même pas imaginer que le président d’une République qui n’en a plus que le nom, ne pense qu’à eux. Ce serait une fausse information !