Quelle soit la forme de ses interventions et de ses discours, Emmanuel Macron affiche à la fois sa suffisance, son autosatisfaction et sa volonté de casser le socle social de notre pays.
Hier soir, le décor avait changé. Juste le décor. Mais le président de la République a évité d’avouer ses errements dans le traitement de la pandémie ; il s’est adressé aux Français, maniant le bâton, menaçant ceux qui refusent encore la vaccination pour éradiquer cette ‘’grippette’’ qu’il avait ignorée et qu’il a si mal gérée. Il est allé au-delà des annonces attendues pour se décerner un certificat de bonne conduite de l’économie, mais aussi en appelant les citoyens à travailler plus et à gagner moins quand ils n’ont pas voulu traverser la rue pour trouver un travail qui n’existe pas.
L’énarque bouffi d’orgueil se prend pour le dieu de l’Olympe, infaillible.
Son discours d’hier soir, donc, avait quelque chose de pathétique, mais d’inquiétant aussi, pour l’avenir. Il m’a immédiatement renvoyé au pamphlet de Victor Hugo, Napoléon le petit ; quelques phrases valent d’être rappelées :
« Les mots : indépendance, affranchissement, progrès, orgueil populaire, fierté nationale, grandeur française, on ne peut plus les prononcer en France. Chut ! Ces mots-là font trop de bruit ; marchons sur la pointe du pied. Nous sommes dans la chambre d’un malade. – Qu’est-ce que c’est que cet homme ? – C’est le chef, c’est le maître. Tout le monde lui obéit. – Ah ! Tout le monde le respecte alors ? – Non, tout le monde le méprise. – O situation ! »
« Il y a toujours, et par la faute des institutions sociales, qui devraient, avant tout, éclairer et civiliser, il y a toujours dans une population nombreuse comme la population de France une classe qui ignore, qui souffre, qui convoite, qui lutte, placée entre l’instinct bestial qui pousse à prendre et la loi morale qui invite à travailler. »
« Oui, quelquefois, aux paroles superbes qui lui échappent, à le voir adresser d’incroyables appels à la postérité, à cette postérité qui frémira d’horreur et de colère devant lui, à l’entendre parler avec aplomb de sa « légitimité » et de sa « mission », on serait presque tenté de croire qu’il en est venu à se prendre lui-même en haute considération et que la tête lui a tourné au point qu’il ne s’aperçoit plus de ce qu’il est ni de ce qu’il fait. »
« Défaire le travail de vingt générations ; tuer dans le dix-neuvième siècle, en le saisissant à la gorge, trois siècles, le seizième, le dix-septième et le dix-huitième, c’est-à-dire Luther, Descartes et Voltaire ; l’examen religieux, l’examen philosophique, l’examen universel ; écraser dans toute l’Europe cette immense végétation de la libre pensée, grand chêne ici, brin d’herbe là (…) ressusciter tout ce qu’on pourrait de l’inquisition et étouffer tout ce qu’on pourrait de l’intelligence ; abêtir la jeunesse, en d’autres termes, abrutir l’avenir ; faire assister le monde à l’auto-da-fé des idées ; renverser les tribunes, supprimer le journal, l’affiche, le livre, la parole, le cri, le murmure, le souffle ; faire le silence ; poursuivre la pensée dans la casse d’imprimerie, dans le composteur, dans la lettre de plomb, dans le cliché, dans la lithographie, dans l’image, sur le théâtre, sur le tréteau, dans la bouche du comédien, dans le cahier du maître d’école, dans la balle du colporteur ; donner à chacun pour foi, pour loi, pour but et pour dieu l’intérêt matériel ; dire aux peuples : Mangez et ne pensez plus ; ôter l’homme du cerveau et le mettre dans le ventre ; éteindre l’initiative individuelle, la vie locale, l’élan national, tous les instincts qui poussent l’homme vers le droit (…) En un mot, fermer cet abîme qui s’appelle le progrès. »
Merci, Victor Hugo. L’écrivain immense, le député engagé, le tribun talentueux, a appelé la population de France à se réveiller et à se révolter…