Quelle agréable surprise ! France 5 a abandonné le théâtre de Feydeau pour celui de Simon Abkarian, formidable auteur, qui, avec Le dernier jour du jeûne, entraîne le public dans une fresque éblouissante d’une famille et d’un quartier très méditerranéens, où l’on parle avec les mains autant qu’avec les mots.
La langue d’Abkarian est lumineuse, le sujet (la lutte des femmes pour leur émancipation du patriarcat) est d’une brûlante actualité bien qu’écrite avant 2014 ; la mise en scène met les actrices et les acteurs (respectant la parité !) en lumière, avec une extraordinaire Ariane Ascaride.
La promotion de la culture est dans le cahier des charges des chaînes de France télévisions ; ce ‘’dernier jour du jeûne’’ permet enfin au service public de remplir son contrat.
Le spectacle est enlevé, sans rupture de rythme avec des décors montés sur roulettes, simples et permettant des changements d’une grande fluidité ; spectacle alternant moments à hauteur de tragédie grecque et engueulades en langage cru, mais jamais déplacé et, au contraire, venant éclairer une problématique (le respect du père, l’amour des mères, les conflits de générations, et même le viol).
Simon Abkarian est sans doute le meilleur auteur contemporain, insuffisamment connu et apprécié. Il jongle avec les mots, avec la langue ; il ne fait aucune concession à ses idées progressistes. Une pièce de théâtre de lui élève le spectateur et le contraint à s’interroger, à réfléchir à sa condition.
Le réel et l’actualité sont toujours présents, sans écarter le rêve, comme ceux que caressent les personnages. On rit (beaucoup), mais jamais d’un rire vulgaire. Simon Abkarian respect trop le public et ses idées pour se laisser aller.
Bref, ce théâtre-là, on en redemande sur le service public.