La Chouette qui hioque

Auteur/autrice : Michel (Page 2 of 57)

Philosophie du football

L’équipe de France féminine de football ne remportera pas la Coupe du monde 2023 en Australie. Cruelle désillusion pour les joueuses ; cruelle désillusion pour le football.

Le football est fait de victoires et de défaites et il faut mettre de côté le chauvinisme ambiant pour s’en tenir seulement au jeu de football pour comprendre la frustration.

L’équipe de France a assurément pratiqué le plus beau jeu de football et c’est pourquoi sa défaite face à l’Australie est une défaite pour le football.

Les Australiennes sont certes athlétiques et ne manquent pas de qualités ballon au pied, mais les onze joueuses n’ont rien démontré au niveau tactique ; à l‘inverse d’une équipe de France qui a développé une philosophie (le jeu court) et une intelligence tactique (le jeu en triangle) qui font les grandes équipes.

Le jeu court est la marque des équipes collectives et un état d’esprit. Il s’appuie sur des déplacements constants donnant au porteur de ballon des solutions immédiates de passes et une approche rapide vers le but adverse par des accélérations fulgurantes, mais aussi des phases de jeu où la conservation du ballon est importante pour en priver l’adversaire.

Bref, le jeu court est l’arme des grandes équipes qui considèrent encore le football comme un jeu collectif. Comme l’équipe de France (à l’inverse du PSG hommes par exemple).

Mais, la compétition est exigeante et l’équipe de France a oublié son jeu court après vingt minutes pour tomber dans le jeu des Australiennes, se mettant en danger en perdant trop vite le ballon par des passes longues et profondes, hasardeuses. Et c’est quand les joueuses ont retrouvé leur philosophie du jeu qu’elles ont à nouveau malmené les adversaires. C’était sans doute trop tard avec des jambes plus lourdes après l’enchaînement de rencontres de haut niveau en quelques jours.

L’équipe de France avait une autre arme, les débordements sur les ailes, à l’image de Selma Bacha. Les joueuses ont multiplié ces débordements mettant les Australiennes en difficulté ; seul problème, les ‘’ailières’’ ont abusé des centres aériens, envoyant le ballon dans les bras de la gardienne de but (excellente), au lieu de favoriser le centre en retrait à ras de terre, qui prend la défense adverse à contre-pied, comme elles l’avaient montré contre le Maroc, mettant Eugénie Le Sommer ou Kadidiatou Diani en excellente position pour marquer des buts.

Pour l’avoir oublié, l’équipe de France n’a pas réussi à envoyer le ballon dans les filets. 

Cruelle désillusion, donc. Et des regrets immenses.

D’autant plus que l’Australie est la seule équipe à se qualifier pour les demi-finales sans avoir marqué de but ! Défaite d’une certaine philosophie du jeu de football.

Les pauvres sautent des repas !

Les Echos ont parfois des prises de conscience fulgurantes. Le quotidien vient de faire un constat bouleversant, touchant à la vie quotidienne des Français. Mais, pour en arriver là, il a fallu à ses journalistes lire les avis d’économistes et études d’instituts de sondage, résumés par un Tweet de l’un d’eux selon lequel la« chute de la consommation alimentaire n’a aucun précédent dans les données compilées par l’Insee depuis 1980 ».

Le réveil est cruel !

Les patrons des grandes surfaces aux abois, ajoutent : « Il y a des ménages qui sautent de plus en plus de repas ».

Le constat ne peut surprendre que de brillants esprits vivant dans une bulle, multipliant les dîners en ville gourmands. Hier, ils avaient découvert ce qu’ils avaient qualifié de précarité énergétique ; aujourd’hui, ils découvrent la précarité alimentaire.

Leurs activités ne leur permettent pas de rencontrer les pauvres, les travailleurs précaires et invisibles touchés en priorité par les fléaux d’un capitalisme exacerbé qui a pris le nom d’ultra-libéralisme.

Selon le quotidien économique, « le gouvernement surveille le sujet comme le lait sur le feu ». Est-ce si sûr. Le ministre de l’économie, l’inénarrable Bruno Le Maire, dont l’initiative du panier anti-inflation a fait un flop retentissant, persévère, lui, dans les déclarations destinées à se rassurer lui-même (et les grands groupes) plutôt que les victimes de l’inflation : « Dès le mois de juillet, sur un certain nombre de références et de produits, les prix baisseront » ose-t-il déclarer ! Emporté par la fièvre d’écrire de nouveaux romans à l’eau de rose, il n’a aucun regard en direction des victimes d’un régime qu’il sert avec beaucoup de zèle. Il se prépare à donner de nouveaux coups de rabot sur les aides sociales, se gardant bien de parler d’augmentation des salaires.

Au contraire, il observe benoitement (pour s’en féliciter) que les grandes entreprises du CAC 40 battent des records de profit : plus de 85 milliards d’euros au premier semestre. Les dividendes seront confortables et les actionnaires, eux, ne sauteront pas de repas. Et, en gardien du dogme, il se refuse à voir que « en juillet, les étiquettes affichaient encore un bond de 12,6 % par rapport à l’année précédente, selon l’Insee. »

On n’a jamais été aussi éloigné au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple !

Les économistes de Bruxelles ont, paraît-il, inventé un mot pour qualifier la répercussion des surcoûts (énergie, matières premières, …) « au-delà du nécessaire », la ‘’profitflation’’. Ainsi, les grandes entreprises auraient davantage nourri l’inflation que les augmentations salariales. Est-ce possible ?

Il n’y aurait que les pauvres pour s’en offusquer. Car, si le pouvoir politique (et certains grands patrons) redoute les risques d’explosion sociale, il n’envisage aucune mesure ni augmentation des salaires, ni augmentation des impôts sur les profits et les dividendes. Il appelle, au contraire, à la modernisation et à l’innovation des entreprises, qui se traduisent, le plus souvent, par des suppressions d’emplois.

Ceux qui sautent de plus en plus souvent un repas ne peuvent compter que sur leur mobilisation pour imposer des solutions démocratiques et un changement de régime. Simplement pour manger à leur faim !

La prétendue fille de Cabu

L’entourage d’Emmanuel Macron ose tout. A l’image de Sabrina Agresti-Roubache, la secrétaire d’Etat à la ville.

Elle se justifie d’avoir accepté de donner une interview au JDD au nom de la défense du pluralisme. Puis, devant les critiques, y compris au sein du gouvernement, elle se revendique comme la « fille de Cabu » et d’avoir été « Charlie ».

Gérard Biard, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, a dû faire une mise au point, rappelant que le dessinateur emblématique du journal « a, tout au long de sa vie et de sa carrière, combattu sans concession aucune l’extrême droite. Cette extrême droite qui, désormais, préside aux destinées du JDD. Le cynisme, l’amateurisme et l’inculture politique n’excusent pas tout. »

Le réquisitoire est sévère, mais juste. A un détail près quand le rédacteur en chef parle d’amateurisme. L’interview en question a été d’abord présentée comme une initiative personnelle d’une toute nouvelle secrétaire d’Etat, en laissant entendre qu’elle devait être excusée d’un faux-pas de jeunesse politique ; mais on a appris que l’interview a été relue et validée par la présidence de la République et par les services de la Première ministre.

Serions-nous gouvernés par des amateurs à tous les niveaux ?

La secrétaire d’Etat ment, les dirigeants de l’exécutif aussi !

Sabrina Agresti-Roubache n’est pas une fille de Cabu (pas même naturelle, ni adultère, ni répudiée), mais une créature d’Emmanuel Macron. Un point c’est tout.

Le JDD en kiosque !

Vincent Bolloré a tous les culots et, aujourd’hui, doit être satisfait, le Journal du dimanche est chez les marchands de presse. Il n’a pas hésité à sortir un ‘’petit’’ JDD, amputé de quelques vingt pages, mais il avait décidé de ce retour ‘’coûte que coûte’’, pour marquer son territoire et asséner que les journalistes opposés à l’arrivée de Geoffroy Lejeune avaient perdu.

Le JDD du 6 août lui coûte ‘’un pognon de dingue’’ (il n’aura trouvé beaucoup de lecteurs), mais, peu importe, il l’exhibe triomphalement, comme une prise de guerre. Sur le compte X (exTwitter) il a fait figurer la ‘’une’’ de son journal avec une légende provocatrice : « Vous l’attendiez, la voici » ».

Néanmoins, il faut remarquer qu’il a râclé les fonds de tiroir pour composer une petite équipe rédactionnelle de combat de journalistes combattants issus des bataillons de la droite extrême. Aux côtés de Geoffroy Lejeune et de Charlotte d’Ornellas, on trouve en effet Pascal Praud et même à Jacques Vendroux (ex-France Inter), 75 ans et l’un des petits-neveux du général De Gaulle, comme il avait fait appel à Patrick Mahé (76 ans) à Paris Match. Rien de glorieux, ni pour les journalistes en question, ni pour Bolloré !

Le JDD d’aujourd’hui a réussi à publier une interview de la toute nouvelle secrétaire d’Etat à la ville, Sabrina Agresti-Roubache, une amie proche du couple présidentiel et de Brigitte Macron. On peut s’en étonner. Encore que… Emmanuel Macron n’a pas eu un mot pour soutenir les journalistes du JDD et il est utile de rappeler qu’il avait accordé une interview à Geoffroy Lejeune dans Valeurs actuelles.

A quel jeu joue donc le président de la République en se rapprochant ostensiblement de l’extrême droite ?

Quant au (toujours) patron juridique du JDD, Arnaud Lagardère, il continue de se comporter comme un ridicule pantin entre les mains de Bolloré. Sans honte. Il est vrai que celui-ci a accordé une retraite en or massif au fossoyeur du groupe constitué par son père.

Quel monde perverti ! Le JDD est la honte du journalisme et Bolloré l’homme lige des fous de Dieu.

La France ressemble à s’y méprendre à la Hongrie de Viktor Orban et à la Pologne de Kaczynski.

Gilles Perrault

Aujourd’hui est un jour triste ; un homme qui a mené une vie à combattre le racisme, le fascisme, la corruption, le mensonge, l’injustice, le capitalisme, à tous les instants, est décédé.

J’avais le privilège de le connaître, de l’avoir sollicité pour des combats qui nous tenaient à cœur. Il ne refusait jamais les combats justes.

Il avait déjà publié de nombreux livres quand il se lança dans des luttes pour un monde plus humain et dénonça la peine de mort avec un livre, Le Pull-over rouge, qui lui valut des procès de la part des policiers.

Plus tard, il dénonça les liens inavoués de la diplomatie française avec le régime honteux du Maroc dans Notre ami le roi, qui lui valut encore des procès. Il faisait du journalisme d’investigation avant même l’invention de l’expression.

Il a été de tous les combats démocratiques et le dernier aura été de s’opposer au scandaleux projet de parc touristique ‘’D-Day land’’ sur les plages du Débarquement dans cette Normandie où il s’était retiré.

Ses adversaires ne l’ont pas ménagé ; mais il a toujours résisté et est resté fidèle à ses engagements.

Il s’appelait Gille Perrault.

Riposte à la connerie

Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux, reste fidèle à ses origines ouvrières. Il avait apostrophé Emmanuel Macron le 18 mars à propos de la réforme des retraites en écrivant dans Médiapart : « Savez-vous quelle réserve de rage vous venez de libérer ? ».

Aujourd’hui, c’est Gérald Darmanin, l’insupportable ministre de l’intérieur qui déchaîne sa rage après l’interdiction aux mineurs du livre Bien trop petit au prétexte de scènes jugées pornographiques.

Nicolas Mathieu s’est indigné et dénoncé un puritanisme imbécile et opportuniste ; il a réagi et lancé un appel à la résistance, avec ses mots et ses armes : « Nous devrions toutes et tous ensevelir le ministre sous un déluge de nos histoires de cul ! »

Son appel sur #WhhenIwas15 connaît un succès énorme : « Voici quelques jours, Gérald Darmanin, pourtant si permissif quand il s’agit de sa propre personne, faisait interdire aux mineurs un livre de @manucausseplisson publié aux @editionsthierrymagnier dans une collection érotique éminente destinée aux teenagers et aux jeunes adultes @l_ardeur_. J’ai donc proposé qu’on fasse pièce à cette hypocrisie en racontant nos 15 ans, ce que nous étions alors, fouinant dans l’enfer des bibliothèques familiales, à fleur de peau, toujours vener, des monstres d’envie, des gouffres déambulant, amoureux fous ou frustrés à en crever. Que ça se dise. Que le déluge d’hormones ensevelisse la tartufferie. Et beaucoup de textes ont fleuri dans tous les coins avec ce fameux hashtag. Le geste rétrograde et opportuniste a accouché de ces mille nostalgies moites. Vraiment je vous engage à les lire, à en écrire, en soutien à Causse et Magnier. C’est beau, troublant, c’est nous tous, dans la difficulté et les détails (et il est déjà question de les rassembler quelque part). »

Avec l’éditeur Thierry Magnier, Nicolas Mathieu va pouvoir ensevelir Darmanin ; les histoires reçues et sélectionnées seront éditées sous la forme d’un livre de poche à 10 euros. La réaction est réjouissante et Thierry Magnier la soutient fermement : « Participer était un acte militant, l’éditer aussi, on ne fera pas de profit dessus. » Les bénéfices seront reversés à une association.

Les culs serrés et les grenouilles de bénitier vont pouvoir éructer et s’indigner et Darmanin sortir à nouveau sa censure. Ils se sont tous couverts de ridicule.

Un monde fou

Donald Trump inculpé de complot à l’encontre de l’Etat américain, entrave à une procédure officielle et atteinte aux droits électoraux.

Armado Pereira, associé de Patrick Drahi, arrêté au Portugal pour onze délits financiers.

Vladimir Poutine bombarde les infrastructures portuaires où sont entreposées les céréales ukrainiennes sur le Danube.

Emmanuel Macron fait évacuer les ressortissants français du Niger, devenus indésirables après le putsch des militaires.

Geoffroy Lejeune a pris ses fonctions de directeur d’une rédaction du Journal du dimanche (JDD) vide après la longue grève des personnels et notamment des journalistes, dépités et vaincus.

Elisabeth Borne a envoyé un document de cadrage aux syndicats et au patronat verrouillant les négociations au sujet du régime de l’assurance-chômage.

Les médias s’inquiètent du ‘’jour du dépassement’’, l’humanité ayant épuisé en ce 2 août l’ensemble des ressources naturelles reconstituables en un an.

Le monde est fou. De plus en plus fou. Inégalitaire et corrompu. Vacillant et inquiétant.

Et Emmanuel Macron est en vacances à Brégançon, muet devant cette faillite du capitalisme.

Le Monde publie une tribune d’Alain Genestar, ancien directeur de la rédaction du JDD et de Paris Match dans laquelle il rapporte qu’un ami lui avait dit : « On ne gagne jamais contre le capitalisme. »

Pourquoi pas ? Avec Bertolt Brecht, je relève le défi car « Quand ceux qui luttent contre l’injustice sont vaincus / L’injustice passera-t-elle pour justice ? / Nos défaites, voyez-vous, / Ne prouvent rien, sinon / Que nous sommes trop peu nombreux / À lutter contre l’infamie, / Et nous attendons de ceux qui regardent / Qu’ils éprouvent au moins quelque honte. »

Et rejoignent la mobilisation citoyenne.

Ecolo, un peu (seulement)

Le ticket de caisse, c’est fini. Enfin, pas tout à fait ; le consommateur pourra toujours le demander au commerçant qui ne pourra pas le lui refuser.

Pour faire toujours plus écolo, les campagnes se multiplient pour stigmatiser le pauvre client, présenté comme le seul responsable du dérèglement climatique. Peu importe qu’il n’ait plus de trace de son achat en cas de problème…

Les politiques, en revanche, ont toujours raison : supprimer le ticket de caisse va permettre de réduire l’impact carbone et à la France de remplir un contrat pris quelques années plus tôt, sans assurance de pouvoir en respecter toutes les clauses.

Et notre pays doit être résolument moderne : recevoir son ticket de caisse dans sa boîte mail et le consulter sur son téléphone mobile, ça, c’est moderne. Mieux : innovant, signe d’un grand pays tourné vers la modernité et les nouvelles technologies.

Les vendeurs de téléphone dernier cri se frottent les mains et les fabricants calculent déjà leurs prochains dividendes ; les ringards vont devoir songer à changer leur vieux téléphone ! Les actionnaires de Carrefour, Lidl ou Auchan ont, eux aussi, déjà calculé leurs gains en achat de rouleaux de papier, sans répercuter les économies réalisées.

Cependant, il y a un hic : la pollution induite par le numérique.

Les politiques qui ont prix la décision de ‘’supprimer’’ le ticket de caisse papier n’y avaient pas pensé. Le ticket de caisse numérique pollue beaucoup plus que le papier.

Autre oubli, les papetiers qui vont licencier les ouvriers devenus inutiles.

Ah ! L’écologie n’est pas chose facile à maîtriser.

James Bond, la nausée !

France 2 fait œuvre d’originalité en diffusant (et rediffusant) toute la série des films de James Bond, à raison, souvent, de deux films par soirée. Question originalité, on peut néanmoins trouver mieux que Bons baisers de Russie sorti sur les écrans en 1963 et vu des dizaines de fois à la télévision et la dernière hier, après Meurs un autre jour (2002) !

Mais le service public a fait le choix des prétendues ‘’demandes’’ du public plutôt que de proposer d’authentiques chefs-d’œuvres. Le film assure l’audience et ne coûte pas cher. La programmation joue sur la notion de rendez-vous, surtout en période estivale.

La chaîne, on peut le supposer, a dû négocier les droits de diffusion à vil prix avec la société EON Productions qui a sorti 25 films de James Bond (alors que l’auteur du roman policier n’a publié, est-on tenté d’écrire, que 11 romans avec 007 comme héros). Les 25 films ont généré 16,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires (record absolu). Les bénéfices sont tels que EON Productions peut céder les droits à France Télévisions à des tarifs dérisoires : la ‘’soirée James Bond’’ a duré 240 minutes et le coût à la minute est donc sans concurrence !

Et, en cette période troublée, montrer que les héros sont des citoyens de l’Ouest et que les méchants sont Russes, Chinois et Nord-Coréens n’est pas innocent. L’idéologie n’est jamais absente des choix de diffusion ! La violence s’étale tout au long de films où le nombre de morts ne se compte plus. Mais, hélas, James Bond a fait école et les séries, où la mort par arme à feu est un ingrédient obligatoire et banal, se multiplient sur toutes les chaînes, au risque de déformer la vie sociale.

Quand André Malraux déclarait que « Le cinéma est un art, et par ailleurs, c’est aussi une industrie », il rejoignait Theodor Adorno pour qui « Les productions de l’esprit dans le style de l’industrie culturelle ne sont plus aussi des marchandises, mais le sont intégralement (…) Le consommateur n’est pas roi, comme l’industrie culturelle le voudrait, il n’est pas le sujet de celle-ci mais son objet ».

Adorno pouvait ajouter (c’était en 1967) que « Les marchandises culturelles de l’industrie se règlent, comme l’ont dit Brecht et [+Suhrkamp], il y a déjà trente ans, sur le principe de leur commercialisation et non sur leur propre contenu, de sa construction exacte. La praxis entière de l’industrie culturelle applique carrément la motivation du profit aux produits autonomes de l’esprit. »

Le service public de la télévision tourne le dos au rôle que ses créateurs souhaitaient le voir jouer. Cette bataille-là est aussi à mener et à gagner pour libérer l’industrie culturelle du poids de l’argent.

Colonialisme

Quelle est la véritable pensée d’Emmanuel Macron sur le colonialisme ?

Celle de son intervention sur le chaîne algérienne Echorouk News le 15 février 2017 ?

« Je pense qu’il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation. Certains, il y a un peu plus de dix ans, ont voulu faire ça en France. Jamais vous ne m’entendrez tenir ce genre de propos. J’ai condamné toujours la colonisation comme un acte de barbarie. Je l’ai fait en France, je le fais ici. La colonisation fait partie de l’histoire françaiseC’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. »

Celle de son discours de Nouméa le 5 mai 2018 ?

« Il faut mettre des mots sur ce passé lorsqu’il pèse comme un couvercle”“Pendant la période coloniale, la France a souvent perdu le sens même de son histoire et de ses valeurs. Il y a eu des douleurs, des souffrances, des ségrégations, des déportations, des fautes et des crimes. »

Celle de ce même discours de Nouméa ?

« La France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie, parce qu’elle est une part de cette France monde. »

Celle de son discours de Nouméa le 26 juillet 2023 ?

« La Nouvelle-Calédonie est française parce qu’elle a choisi de rester française (…) A l’issue des trois référendums, je ne mésestime pas les aspirations déçues (…) mais nous devons avoir la grandeur d’accepter ces résultats. »

En matière de colonialisme, il est difficile, sinon impossible de se référer à la formule du ‘’en même temps’’.

La colonisation, quels que soient le lieu et les circonstances, reste un crime contre l’humanité, une vraie barbarie !

Vente d’armes

L’information était d’une importance extrême et ne pouvait attendre ; de plus, elle était exclusive : elle valait bien une ‘’alerte’’ en pleine soirée : « Historique, inédit… La France a exporté pour 27 milliards d’euros d’armements en 2022 ».

Comment peut-on se réjouir de voir la France être parmi les agents d’un réarmement mondial de tous les dangers ?

Que Dassault vende 80 Rafale aux petits Emirats arabes unis (EAU) est, selon le ministère des armées, « historique et exceptionnel » mais inquiétant et imbécile pour un citoyen normalement constitué d’un pays où souffle encore l’esprit des Lumières. La Grèce, elle, a acheté 6 de ces avions de combat alors que la foule gronde en voyant le pays livré aux feux et sans moyens suffisants pour lutter contre des incendies qui ravagent tout sur leur passage. Les Rafale n’éteindront pas les feux, mais pourront un jour semer la mort.

Quand le ministre, Sébastien Lecornu, ose déclarer : « l’armement français n’est pas seulement apprécié au travers du Rafale, qui avec ses armements contribue très largement à ce chiffre, il s’impose comme une référence mondiale dans un large spectre capacitaire : missiles, frégates, sous-marins, artillerie, hélicoptères, radars, satellites d’observation », la colère m’envahit. Le mot paix a disparu du dictionnaire et le gouvernement préfère le commerce des armes aux exportations de biens dits de première nécessité quand la pauvreté gagne du terrain chaque jour.

Quand M. Dassault pavoise en affichant ses résultats financiers, c’est que le monde est malade.

Jean Ferrat, reviens et chante comme tu savais si bien le faire : « Nous ne voulons plus de guerre/ Nous ne voulons plus de sang/ Halte aux armes nucléaires/ Halte à la course au néant/ Devant tous les peuples frères/ Qui s’en porteront garants/ Déclarons la paix sur terre/ Unilatéralement. »

Honte aux bellicistes !

Les mots

Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste, a qualifié l’interview d’Emmanuel Macron sur TF1 et France 2 de lénifiante et a fustigé son vide sidéral. Lénifiante, certes, mais vide, son discours ne l’était pas. Désolé, camarade !

Enfoncer le clou en ressassant « l’ordre, l’ordre, l’ordre » pour que le peuple des banlieues (sans doute analphabète comme les ouvrières des abattoirs) comprenne bien, puis annoncer que « notre pays a besoin d’un retour à l’autorité à tous les niveaux, et d’abord dans la famille », avant de proclamer que, parmi les chantiers prioritaires, figure « l’autorité parentale » fait programme réactionnaire en faisant porter les problèmes sur les épaules des familles !

S’abstenir de condamner les déclarations du directeur de la police nationale, rendre hommage aux forces de l’ordre et souligner le « travail remarquable en particulier pendant les émeutes » à Darmanin n’est pas vide de sens, ni anodin.

Macron est peut-être à bout de souffle, mais il multiplie les mots vantant l’autorité et la répression. Il prend même, ostensiblement, ses distances avec la devise de la République, Liberté, Egalité, Fraternité, figurant dans le discours de Robespierre en décembre 1790 sur l’organisation des gardes nationales.

Il apparaît désormais que l’héritage de la Révolution lui est aussi insupportable que le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ; il est plus proche de la devise du régime de Vichy, Travail, Famille, Patrie, quand Pétain écrivait dans la Revue des deux mondes en 1940 : « Lorsque nos jeunes gens (…) entreront dans la vie (…) nous leur dirons (…) que la liberté réelle ne peut s’exercer qu’à l’abri d’une autorité tutélaire, qu’ils doivent respecter, à laquelle ils doivent obéir (…) Nous leur dirons ensuite que l’égalité (doit) s’encadrer dans une hiérarchie, fondée sur la diversité des fonctions et des mérites (…) Nous leur dirons enfin qu’il ne saurait y avoir de fraternité véritable qu’à l’intérieur de ces groupes naturels que sont la famille, la cité, la Patrie. »

La référence n’est pas flatteuse pour un ancien assistant éditorial de Paul Ricoeur et pour un président qui se veut (encore) moderne et décomplexé. La rupture avec les engagements de son maître est totale.

Le glissement vers un régime toujours plus autoritaire se cache aussi dans le choix des mots.

La terre flambe, la France aussi

Le Tour de France (qui n’a plus de Tour que le nom, rentabilité oblige) terminé, les médias pourront peut-être aborder plus longuement les vrais sujets d’actualité quand la terre flambe. Le Tour de France, vaste entreprise capitaliste, a réussi à amener sur les routes des millions de citoyens, criant, vociférant, tendant le poing, courant aux côtés des coureurs dans les cols au risque de les gêner (ou de les faire tomber), en oubliant que les performances des premiers de cordée sont suspectes.

Vous voulez du cirque et oublier l’inflation, le chômage, l’augmentation du prix de l’énergie, allez sur les routes du Tour admirer des cyclistes qui ne marchent pas à l’eau claire ! Mais, chut, on n’en parle pas ; on applaudit et on crie.

La terre brûle sur tout le pourtour méditerranéen, mais pas seulement ; le Canada et les Etats-Unis paient un lourd tribut, eux aussi, à la folie financière qui, par ses excès, modifie le climat outrageusement.

En France, le Tour tombait à pic pour oublier un prétendu remaniement gouvernemental. Des ministres auxquels Macron n’abandonne aucun espace médiatique ont quitté leur ministère ; d’autres valets qui multiplient les problèmes avec la justice ou avec l’éthique (pour cause de conflits d’intérêts) prennent leur place. La vie continue, inchangée, et elle n’est pas plus belle pour les pauvres, toujours plus nombreux et plus pauvres. Eux n’attendaient rien de ce ‘’changement’’.

Les jeunes, eux, se débattent avec Parcousup quand ils ont réussi à aller jusqu’au baccalauréat ou avec la violence quand ils sont enfermés dans leur ghetto de banlieue. Ils continuent à subir contrôles au faciès et à traîner leur mal de vivre.

Quand ils se révoltent, leurs gestes sont inconsidérés et imbéciles ; certains osent même s’en prendre aux écoles ! La répression est féroce ; Darmanin et Dupond-Moretti ne la freinent pas et se gardent de proposer des remèdes à la hauteur de la situation. Et quand la justice ose incarcérer un policier violent, le directeur de la police nationale, rejoint par le préfet de police de Paris, ose s’indigner en s’écriant « qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison ». Ni le président de la République, ni les ministres ne dénoncent ces paroles qui mettent en cause l’indépendance de la justice.

Emmanuel Macron détourne les yeux et va à des milliers de kilomètres de la métropole visiter une colonie, la Kanaky (à laquelle il avait promis l’indépendance), puis des pays de l’espace Pacifique pour tenter de faire croire à la puissance de la France. 

La terre flambe, la France aussi et la République a un président qui rêve de grandeur et de puissance ; un rêve qui ne correspond à aucune réalité politique, mais le président veut !

Le monde du libéralisme est fou. Et il brûle !

Censure

Gérald Darmanin est un ministre de l’intérieur omniprésent ; il s’occupe de tout et même de censurer un livre pour adolescent, Bien trop petit de Manu Causse, paru chez Thierry Magnier, filiale d’Actes Sud.

Le ministre, sans doute inspiré par les milieux du catholicisme intégriste, reproche à cette œuvre une « description complaisante de nombreuses scènes de sexe très explicites ».

Thierry Magnier a vivement réagi en déplorant la multiplication des censures en littérature jeunesse : « Puisqu’il présente des scènes explicites, nous avons pris soin de faire figurer sur la 4e de couverture une mention adressant ce livre à un lectorat averti, à partir de 15 ans (…)Comme tous les titres de la collection L’Ardeur, Bien trop petit explore, à sa manière, les questions de corps et de sexualité ».

Pour Darmanin et les nouvelles grenouilles de bénitier, l’éducation à la sexualité est insupportable.

En Italie aussi, les artistes ont des détracteurs. Le chef d’orchestre Alberto Veronesi qui devait diriger l’opéra de Giacomo Puccini, La Bohème, dans le cadre du Festival de Torre del Lago, est monté sur scène les yeux bandés pour « dénoncer et ne pas voir un Puccini » présenté par le metteur en scène Christophe Gayral dans le Paris de 1968.

Aussitôt, le chef d’orchestre a reçu le soutien du sous-secrétaire d’Etat à la culture, Vittorio Sgarbi, qui a osé parler de blasphème et de désacralisation, trouvant inacceptable d’utiliser la figure de Giacomo Puccini pour faire de la politique ! Il a également menacé d’écrire au président du Festival pour empêcher le spectacle.

Dans les deux cas, il s’agit d’une censure d’Etat.

Que Darmanin se comporte comme un ministre de Giorgia Meloni, dont le parti se réclame du fascisme, faut-il s’en étonner ? A Torre del Lago, on a crié à l’œuvre communiste, à Paris on a dénoncé la pornographie. En empruntant le même vocabulaire à l’extrême droite pour déclencher les réflexes les plus bas.

La culture est en grand danger des deux côtés des Alpes ! Et plus encore la démocratie, la liberté d’expression, la liberté de création et la (vraie) laïcité !

Lutter contre les inégalités

Ils sont plus de 230 économistes de diverses nationalités à avoir signé une déclaration adressée au secrétaire général de l’ONU et au président de la Banque mondiale pour les appeler à « lutter contre les inégalités extrêmes croissantes ». Joseph Stiglitz, prix Nobel, et Jayati Ghosh, professeur à l’université du Massachusetts sont à l’initiative de ce cri d’alarme, considérant que « les inégalités mondiales ont augmenté plus rapidement qu’à n’importe quel moment depuis la seconde guerre mondiale ».

Pour les éminents économistes l’objectif de développement durable pour réduire les inégalités, adopté en 2015 au sein de l’ONU, reste largement ignoré. Est-ce une surprise quand les gouvernements ultralibéraux sont de plus en plus nombreux et quand le gouvernement américain étend son ‘’soft power’’ grâce à la faveur de la guerre en Ukraine et ailleurs, sans se soucier un instant des problèmes climatiques ?

Estimant que « notre monde si divisé a si urgemment besoin aujourd’hui » de réduire les inégalités, ils demandent à leurs deux interlocuteurs se « saisir cette occasion pour soutenir des objectifs plus ambitieux et de meilleurs référentiels, tant pour la richesse que pour le revenu, ainsi que les parts salariales du revenu national (…) Cela enverrait un signal clair de notre ambition collective de forger un monde plus égalitaire ».

Il est encore permis de rêver, mais, hélas, le méprisant Emmanuel Macron, lui, ne rêve pas. Il appliquera son programme de casse des héritages du CNR jusqu’au bout. La déclaration des économistes du monde entier finira dans les panières à papier de l’Elysée, comme le rapport Borloo.

Les pauvres seront toujours plus pauvres et plus nombreux. Sauf si les pauvres, qui n’ont plus rien à perdre, se rebellent pour s’engager dans un nouveau mouvement social, plus déterminé encore que celui du refus de la réforme des retraites.

Copains, coquins ! Ou les affaires (suite)

Les ultra-libéraux voudraient bien supprimer la liberté de la presse. Certes, elle est bien âbimée par les milliardaires qui ont racheté tous les principaux médias. Néanmoins, ils n’ont pas encore réussi à museler tous les titres et tous les journalistes.

C’est ainsi que la correspondante du Monde outre-Atlantique, Corine Lesnes, est allée recueillir des informations à la source, c’est-à-dire aux Etats-Unis à propos de l’embauche de Fiona Scott Morton à la Commission européenne. Elle rapporte son entretien (rapide) avec Matt Stoller, directeur d’un projet baptisé American Enonomic Liberties. Son interlocuteur connaît bien Mme Fiona Scott Morton et son avis pourrait se résumer par : « Elle représente un cheval de Troie pour Big Tech. » Imparable !

L’interviewé a résumé en quelques phrases la pensée économique de l’impétrante : « Elle est bien connue dans le domaine spécialisé de l’économie de la concurrence. La concurrence et les consommateurs sont secondaires dans sa réflexion. Je la connais et j’ai trouvé certains de ses travaux utiles, mais d’autres trop soumis au pouvoir des entreprises. Sa philosophie est que les grandes entreprises sont efficaces et que les experts économiques suffisent à édicter des réglementations pour protéger les consommateurs. C’est pourquoi elle travaille pour Amazon, Apple et Microsoft, entre autres, en tant que consultante. Elle s’oppose à la dissolution des grandes sociétés ou à toute mesure visant à remettre en question leur pouvoir. Cet article de 2019, intitulé ‘’Breaking up Facebook probably won’t work’’ (La dissolution de Facebook ne fonctionnera probablement pas.), offre un bon aperçu de sa pensée. »

Matt Stoller dénonce aussi un (gros) mensonge. Fiona Scott Morton a prétendu être une consultante indépendante, mais la nature de ses liens avec un cabinet de lobbying sont avérés : « Charles River Associates (CRA) est un cabinet de lobbying qui défend les intérêts des monopoles des grandes entreprises technologiques et d’autres grandes entreprises auprès des juges et des régulateurs. Scott Morton travaille pour CRA en tant que responsable des relations publiques pour ce type de sociétés. Par exemple, elle a rédigé un document rendu public soutenant l’acquisition par Microsoft d’Activision, la plus grande fusion technologique de tous les temps. »

La Commission européenne peut-elle ignorer ces quelques ‘’détails’’ du CV de celle qu’elle vient d’embaucher ?

Les affaires, rien que les affaires

Il est curieux que des ministres d’Emmanuel Macron s’étonnent de la nomination d’une lobbyiste américaine en tant que chef économiste de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne.

Fiona Scott Morton a été présentée comme la meilleure des candidats au poste ; le prix Nobel d’économie (ultralibérale), Jean Tirole, avance que c’est une chance pour l’Union européenne de pouvoir recruter quelqu’un de son calibre. 

Quel panégyrique !

L’heureuse recrutée est-elle la petite protégée de la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager ? Cela suffit visiblement pour fouler aux pieds la règle qui veulent que la Commission ne recrute que des hauts fonctionnaires issus des pays de l’Union européenne. Peu importe que Mme Scott Morton soit une lobbyiste très active qui a travaillé pour Apple, Microsoft et Amazon alors que l’Europe est en discussion pour réguler les plateformes numériques. Peu importe qu’elle ait travaillé pour trois cabinets de lobbyistes à Bruxelles : le porte parole de l’UE a affirmé que la décision a été prise et qu’il n’y a pas de raison de la reconsidérer. Circulez, …

En France, il n’y a que quelques ministres pour s’offusquer. Le président de la République qui décore Jeff Bezos de la Légion d’honneur, qui reçoit (souvent) Elon Musk et les autres patrons des géants américains du numérique lors de Viva Tech ou Choose France, qui reçoit des chefs peu fréquentables comme Mohammed ben Salmane ou Narendra Modi pour leur vendre quelques Rafale et autres armements qui coûtent un pognon de dingue, lui, reste très discret.

La position de la Commission (La décision a été prise ; nous ne voyons pas de raison de la reconsidérer) résonne comme une ‘’petite phrase’’ du président de notre République. Qu’a-t-il fait avec sa réforme des retraites ? Ou de l’emploi ? Ou de l’école ?

Le libéralisme, où qu’il règne, n’admet plus les contradictions et, dans une période de crise systémique, il s’affranchit allègrement de toutes les règles qui pourraient entraver les grands groupes et leur pouvoir. C’est sa marque et son dogme. Seuls les quelques élus du système, les ultra-riches savent ce qui est bien pour leur régime, quel que soit le prix à payer pour les peuples. Et il n’y a pas d’alternative !

A Bruxelles, à Paris et ailleurs.

Le cas de Mme Fiona Scott Morton n’est qu’un épisode de plus dans l’expression de l’autoritarisme ambiant. Comme la remise de la Légion d’honneur à M. Pouyanné, le patron de Total. Comme l’enterrement d’un rapport sur le racisme dans la police ou du rapport Borloo sur les banlieues.

Mensonge et autoritarisme favorisent-ils les populismes ? Ils ont les yeux fixés sur les cours de la bourse et s’accommodent de la montée du racisme et du rejet de l’autre. Quoi qu’ils disent !

Notre fête nationale célèbre une émeute !

L’Humanité est aujourd’hui le seul média capable de rappeler que, oui, « notre fête nationale célèbre une émeute » et que « le 14 juillet qui se prépare est une fiction » avec une brillante interview d’Eric Vuillard, prix Goncourt et auteur entre autres de 14 Juillet.

Aujourd’hui, il n’est pas inutile de remettre l’histoire de France à l’endroit parce que la fête nationale est un événement « en quelque façon impossible de commémorer. Le 14 juillet qui se prépare est une fiction (…) Il est tout à fait improbable qu’une seule personne parvienne à entr’apercevoir, serait-ce même une caricature de la Révolution française, à travers une poignée de canons Caesar, un déploiement exceptionnel des forces de l’ordre autour des quartiers populaires, et un discours du chef de l’État. Tout cela fait partie d’une représentation illusoire, postiche. Nous aurons donc un 14 Juillet officiellement contre le peuple, contre les banlieues. Un 14 Juillet pour vendre quelques Rafales supplémentaires à l’Inde, nos fameuses « forces morales ».

Eric Vuillard revient aussi à Victor Hugo qui, dans Les Misérables, « définit l’émeute, réputée aveugle, ignorante de ses causes et de ses désirs, comme le premier pas vers un mouvement révolutionnaire, il se refuse à la disqualifier (…) Il en fait une vérité abrupte, raboteuse, mais impérissable, qui revient sans cesse, contre un impôt scélératou une énième violence de l’ÉtatElle est la réfutation spontanée, récurrente de ce qui opprime, une menace à l’ordre établi. Ainsi, ne peut-on pas voir dans le soulèvement de ceux qu’offusque la mort d’un jeune homme, un chapitre déchirant de cette sourde douleur qui traverse la vie sociale ? Et ne peut-on pas voir dans le fait que la plupart des personnes arrêtées étaient « sans antécédents judiciaires »non seulement un démenti flagrant de ceux qui attisent le mépris social, mais le signe d’une colère qu’il n’est pas indigne de partager ? »

Eric Vuillard dénonce « une époque sans précédent d’accroissement des inégalités, de concentration du pouvoir entre quelques mains, et la domination d’un petit groupe de privilégiés est sur le point de devenir mondiale. Nous assistons à une régression idéologique d’avant les Lumières. C’est pourquoi, dans le contexte où nous sommes, la pensée des Lumières redevient une ligne de défense. Contre les tenants hypocrites de Machiavel, il faut s’en tenir à Montesquieu et à Rousseau. »

Eric Vuillard voit dans la France d’aujourd’hui une guerre civile contre les nuisibles, contre la majorité des gens, avec des Bolloré qui cherchent à « s’approprier toute la chaîne du savoir » pour accélèrer la régression idéologique et nous asservir davantage.

Les paroles d’Eric Vuillard sont d’une grande lucidité et plutôt réconfortante dans le climat qu’on tente d’instaurer en France. Il y a encore des intellectuels pour se rébeller et appeler à la mobilisation contre toutes les régressions, contre le racisme et l’exclusion : « Le discours critique à l’égard des Lumières, qui était jadis émancipateur et souhaitait aller au-delà des exigences trop formelles des philosophes, doit aujourd’hui se raviser ; il faut défendre ces exigences formelles, puisqu’elles sont à présent menacées. »

La mobilisation de tous pour prendre la Bastille d’aujourd’hui est impérieuse pour pouvoir enfin célébrer une émeute émancipatrice.

C’est clair

Pap Ndiaye est le seul ministre à avoir eu le courage de s’exprimer à propos du traitement de l’information dans les médias de Vincent Bolloré. Sur Radio J, il a qualifié le Breton de « personnage manifestement très proche de l’extrême droite la plus radicale ». Il n’a pas hésité à affirmer : « Quand vous regardez CNews, quand vous regardez ce qu’est devenu Europe 1, quand vous regardez cet ensemble-là, la conclusion s’impose. Oui, CNews, c’est très clairement d’extrême droite. Je pense qu’ils font du mal à la démocratie, il n’y a aucun doute », avant d’apporter son soutien aux personnels du Journal du dimanche.

Aussitôt le parti d’Eric Ciotti réagissait en appelant honteusement à « protéger la liberté d’expression », fustigeant « l’esprit étriqué des wokistes », pour qui, selon lui, « la liberté d’expression exclut la liberté de penser. Nous apportons notre soutien inconditionnel aux rédactions de CNews et d’Europe 1 ! »

Ce petit bonhomme coincé et dangereux ne craint pas le ridicule !

Du côté du Rassemblement national, Hélène Laporte, députée et vice-présidente de l’Assemblée nationale, a fait dans la surenchère : « Propos honteux de Pap Ndiaye, qui qualifie CNews et Europe 1 d’extrême droite. Au lieu de s’attaquer au pluralisme des médias, le ministre de l’éducation nationale devrait travailler à enrayer la baisse constante du niveau scolaire ! » 

Au moins, c’est clair. Bolloré a les amis qu’il mérite.

Le lynchage d’Izïa

Les propos d’Izïa sont violents ; la fille de Jacques Higelin et de l’artiste tunisienne Aziza Zakine a du caractère et la fibre sociale. Elle rejette comme beaucoup de jeunes la politique d’Emmanuel Macron et le crie avec ses mots.

Ses propos sont violents mais il s’agit d’une provocation en réponse aux violences de la société vis-à-vis des jeunes des banlieues, des immigrés, des chômeurs mais aussi de tous les salariés précaires et invisibles, des professionnels de santé, des enseignants et même des députés privés de leurs prérogatives de voter les lois, etc. La France de 2023 est violemment autoritaire et les gens de pouvoir ne supportent aucune contestation.

Comme l’écrivait Victor Hugo dans son pamphlet Napoléon le Petit, « le curieux, c’est qu’ils veulent qu’on les respecte. » L’opposant à Napoléon III dresse un tableau sévère d’une prétenue république  : « Donc « le parlementarisme », c’est-à-dire la garantie des citoyens, la liberté de discussion, la liberté de la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l’impôt, la clarté dans les recettes et dans les dépenses, la serrure de sûreté du coffre-fort public, le droit de savoir ce qu’on fait de votre argent, la solidité du crédit, la liberté de conscience, la liberté des cultes, le point d’appui de la propriété, le recours contre les confiscations et les spoliations, la sécurité de chacun, le contrepoids à l’arbitraire, la dignité de la nation, l’éclat de la France, les fortes mœurs des peuples libres, l’initiative publique, le mouvement, la vie, tout cela n’est plus. Effacé, anéanti, disparu, évanoui ! » Faut-il changer un seul mot pour parler de la France d’aujourd’hui ?

Izïa a forcé le trait en imaginant Emmanuel Macron accroché à 20 mètres du sol puis jeté à terre, bref lynché par le peuple. On n’imagine pas cet épisode, Izïa a seulement voulu frapper les esprits et appeler au réveil des consciences. D’ailleurs la chute de l’intervention d’Izïa est sans équivoque : « Je vois déjà le gros titre de Nice-Matin demain : Izïa appelle au meurtre de Macron ». Sa diatribe a fait la ‘’une’’ de tous les médias, pas seulement de Nice-Matin. La police et la justice de Macron ont aussitôt tenté d’appréhender la ‘’meurtrière’’.

Les propos d’Izïa sont violents, mais il s’agit d’une provocation en réponse aux violences de la société. Et, on finit toujours par revenir à Victor Hugo : « Oui, on se réveillera ! Oui, on sortira de cette torpeur qui, pour un tel peuple, est la honte ; et quand la France sera réveillée, quand elle ouvrira les yeux, quand elle distinguera, quand elle verra ce qu’elle a devant elle et à côté d’elle, elle reculera, cette France, avec un frémissement terrible, devant ce monstrueux forfait qui a osé l’épouser dans les ténèbres et dont elle a partagé le lit. »

Izïa aura participé à ce réveil !

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