Angélique Ionatos est morte le 7 juillet à 67 ans, aux Lilas, dans la proche banlieue de Paris, et la nouvelle de la disparition de cette immense artiste ne nous est parvenue qu’aujourd’hui. Les grands médias ont ‘’oublié’’ de mentionner l’information. Peut-être parce qu’elle était une rebelle et une femme engagée. Ou par manque de culture.
Angélique Ionatos, au beau visage, tragique, possédait tous les dons ; elle était à la fois poétesse, musicienne, compositrice, interprète avec un même et authentique talent.
Angélique portait en elle toute la détresse et tous les maux de la Grèce ; elle a connu l’exil en Belgique avec ses parents en 1969 pour fuir la dictature des colonels et, surtout, la douleur de l’exil qui a marqué toute son œuvre ; elle a alors mis en musique les textes des admirables poètes grecs et notamment ceux d’Elytis. Elle n’était qu’un cri, mais quel cri ! Admirable et émouvant. De celui qui donne des frissons.
En 2012, dans une intervention vidéo sur Médiapart, elle avait crié toute sa souffrance de voir le FMI et le capitalisme humilier son pays : « Il faut tout changer ! Il faut redonner à l’utopie sa place ! (…) Cela vaut pour la Grèce, mais aussi pour le monde entier. » Puis en 2015, le Monde diplomatique publiait une lettre dans laquelle elle écrivait : « Les poètes sont en exil. Dans notre monde, soumis à une nouvelle barbarie, il faut nous interroger pour retrouver la mémoire et l’utopie. Ce sont elles qui veillent sur notre humanité. Ma belle et étrange patrie m’a enseigné que la poésie, depuis toujours, nourrit le chant. Et ce chant peut devenir un cri ! Aujourd’hui, la Grèce est défigurée. Les Grecs sont humiliés. Le premier devoir d’un artiste est de témoigner de son temps. Et de résister ! Souvent, je me sens découragée et impuissante face à tant de malheur. Parfois, je suis même tentée de me taire. Alors, je lis mes poètes. Leurs mots jamais ne s’oxydent à l’haleine du désespoir. Leur parole est politique et souvent prophétique. Et voilà que l’espoir revient comme un chant de maquisard dans la forêt des aromates ! Ce cri et cet espoir vont habiter aujourd’hui mon propre chant ! (…) C’est le hasard qui nous fait naître dans un pays plutôt que dans un autre. Et c’est l’exil qui nous fait prendre conscience de notre identité culturelle. Je n’ai pas choisi l’exil ; je l’ai subi et j’en ai souffert. »
Angélique Ionatos est morte et je suis triste. Heureusement ses disques et ses écrits restent pour toujours.