L’appel au boycott des artistes russes s’étend partout dans le monde, y compris du côté de Saint-Germain-des-Prés dans les cafés chics fréquentés par l’homme à la chemise blanche, Bernard-Henri Lévy.

C’est idiot, contre-productif et c’est ignorer ce qui se passe en Russie où de nombreux artistes, au péril de leur liberté, se prononcent contre la guerre de Poutine en Ukraine.

Sergeï Loznitsa, brillant mathématicien ukrainien (né en Biélorussie soviétique), devenu un grand réalisateur, auteur, notamment, de ‘’Donbass’’ (2018), a démissionné avec fracas de l’Académie européenne du cinéma, en dénonçant un communiqué dans lequel le directeur de l’EFA qualifiait l’offensive russe « d’événements actuels » et n’employait pas le mot guerre. 

Pour autant, Sergeï Loznitsa ne condamne pas ses amis russes. Il a publié un communiqué dont BHL (et ses amis va-t-en-guerre) aurait été bien inspiré de lire avant de prononcer la mise au ban des artistes :

« Le 24 février 2022, alors que les régiments russes venaient juste d’envahir l’Ukraine, le tout premier message que j’ai reçu émanait de mon ami Viktor Kossakovski, metteur en scène russe : « Pardonne-moi. C’est une catastrophe. J’ai tellement honte. » Puis, plus tard dans la journée, Andreï Zviaguintsev, très faible encore après sa longue maladie, enregistrait son message en vidéo : « Beaucoup de mes amis et collègues, des cinéastes russes ont critiqué cette guerre folle. Et quand j’entends aujourd’hui des appels à interdire les films russes, je pense à mes amis qui sont des gens honnêtes et respectables. Ils sont autant que nous victimes de cette guerre. Ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux est terrible mais ne sombrons pas dans cette folie. On ne peut juger des gens sur leurs passeports mais sur leurs actes. Le passeport est lié au hasard de la naissance, alors que les actes, c’est ce qu’accomplit l’être humain lui-même. »

Des cinéastes russes ont créé un collectif contre la guerre en Ukraine ; des milliers d’artistes et d’acteurs culturels ont fait de même et ont signé une lettre ouverte intitulée ‘’Non à la guerre’’, dans laquelle ils dénoncent « le plus grand échec moral de notre siècle » et qualifient l’invasion de l’Ukraine de « honte ». Au risque d’être emprisonnés.

Roselyne Bachelot, ministre de la culture, a pris le contrepied de BHL et a déclaré : « On ne va pas arrêter Moussorgski, on ne va pas arrêter Tchaïkovski, on ne va pas arrêter de jouer Tchekhov. Il y a des demandes de boycott qui ne correspondent pas à ce qu’est pour nous la culture ».

La culture est plus que jamais nécessaire pour faire taire les armes. Car la culture est synonyme d’échange, de compréhension de l’autre et d’intelligence.

Alors, BHL, taisez-vous !