La situation du président de la République est chancelante, malgré le changement de ton très visible dans les discours officiels. Il n’a pas rassuré les Français et les critiques portées par les scientifiques alimentent l’acte d’accusation.

Les quelques 600 médecins qui ont porté plainte au pénal contre le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 19 mars au motif qu’ils « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer », ont reçu des renforts incontestables.

Un chercheur du CNRS, Pascal Marichalar, a publié un article sur le site du Collège de France sous le titre « Première chronologie de l’émergence du Covid-19 ». Pour l’établir il s’est appuyé sur un rapport d’une quarantaine de pages de l’OMS et sur les articles parus dans la revue Science.

Le chercheur porte une attaque terrible au gouvernement :

« On se souviendra sans doute longtemps du fait que (…) le samedi 29 février (…) le premier ministre Édouard Philippe a décidé de détourner un conseil des ministres « exceptionnel dédié au Covid-19 » pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la réforme des retraites. Alors que l’OMS démontrait l’urgence de l’action collective et solidaire face à une pandémie bientôt incontrôlable, le gouvernement s’est dit que le plus urgent était de profiter de la dernière fenêtre de tir pour faire passer son projet de loi tant décrié. »

Autre document à verser à l’acte d’accusation, l’interview d’un historien spécialiste de l’Allemagne, Johann Chapoutot, parue le 24 avril sur le site de Médiapart. On peut y lire :

« Les Allemands, c’est-à-dire le gouvernement fédéral mais aussi les exécutifs régionaux des Länder, ont fait de la médecine. Ils ont fait ce que la médecine prescrit en cas de pandémie. Non pas un confinement de masse, qui n’a pas eu lieu en tant que tel en Allemagne, mais du dépistage : des tests systématiques ont été pratiqués en cas de symptômes légers ou graves, et les personnes malades ont été isolées et traitées. Pourquoi l’Allemagne l’a fait, et pas la France ? Parce que l’Allemagne a les capacités industrielles de produire des tests. Les tests les plus rapides ont été élaborés par des scientifiques et industriels allemands, dès la fin du mois de janvier. Et la production a été possible grâce aux capacités de production dans le pays : alors que la France a connu une désindustrialisation de masse, il persiste en Allemagne un tissu industriel de PME, qui a été sacrifié en France. L’Allemagne a donc fait, dès fin janvier, ce que l’on nous promet de faire en France après le 11 mai : dépister, isoler et traiter. Sachant que l’on n’est même pas sûr, en France, de pouvoir le faire. »

Après avoir fait le constat que la démission de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, le 16 janvier, aurait été « impensable en Allemagne », Johann Chapoutot dénonce la posture de Macron et de son gouvernement et la comparaison avec l’Allemagne est terrible :

« Merkel comme Steinmeier parlent à des adultes, à des citoyens rationnels. Le contraste est net avec la France, où l’on nous parle comme à des enfants. Comme l’avait dit Sibeth Ndiaye, on assume de mentir pour « protéger le président ». Je me demande d’ailleurs comment il a été possible de nommer porte-parole du gouvernement une femme qui avait fait cette déclaration quelques mois plus tôt. En France, on nous ment. On nous félicite, on nous enguirlande, on nous gronde, on nous récompense, à l’instar de Macron dans ses interventions ; ou l’on nous tance ou nous insulte, comme le déplorable préfet de police de Paris, Didier Lallement. En France, on masque l’impuissance concrète, réelle, du gouvernement par des rodomontades ridicules. « Nous sommes en guerre », avait dit Macron, auquel répond Steinmeier, calmement et fermement : « Non, ceci n’est pas une guerre. »

Enfin, le Conseil scientifique Covid-19, mis en place par Emmanuel Macron lui-même, a publié un avis n°6 le 20 avril (mais rendu public le 25 avril à 22h seulement) ayant « pour objectif d’indiquer les conditions minimales nécessaires pour préparer de façon cohérente et efficace une levée progressive et contrôlée du confinement ».

Les prérequis en matière de contrôle et de surveillance, de tests sérologiques, d’organisation des hôpitaux, d’isolement des porteurs du virus, de protection pour l’ensemble de la population sont tels que la date du 11 mai avancée par Emmanuel Macron apparaît totalement irréaliste.

Il est incontestable, en creux, que le conseil met en cause les insuffisances d’anticipation du gouvernement.

Parmi les scénarios de sortie du confinement, le conseil propose « de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre ». Le gouvernement ayant pris la décision de rouvrir les établissements scolaires à partir du 11 mai, il a une note dans laquelle il recense « les conditions sanitaires minimales d’accueil » concernant élèves, parents, enseignants et autres agents appartenant à la communauté éducative » ; il estime « essentiel que les personnels de direction, les enseignants et les associations de parents d’élèves soient associés tout au long du processus de réouverture des écoles » ; c’est-à-dire l’inverse de la démarche engagée par le ministre Jean-Michel Blanquer.

Il n’y a rien à ajouter ; Emmanuel Macron et son gouvernement ont failli, tout préoccupés qu’ils étaient et sont à satisfaire les patrons. Ils sont discrédités et ils doivent partir, en attendant leur procès au pénal.